Ce que le gouvernement compte faire dans le cadre de son plan d’actions envisagé ne concerne pas seulement les aspects fiscaux. L’administration, et derrière elle toute la masse salariale qui l’étoffe, est au cœur du chantier.
Parmi les points clés, il y a l’intention de jouer la carte du redéploiement des effectifs. Ce plan ambitieux passe par des programmes de formation et de mobilité entre l’administration centrale et les collectivités locales. Ces dernières qui souffrent d’un manque de personnel qualifié pourraient combler leurs besoins grâce à cette stratégie. Pour encourager le personnel à passer le cap, l’État compte maintenir le niveau de rémunération et le fonctionnaire pourra même engranger une prime supplémentaire versée par la collectivité. L’idée est d’alléger l’administration centrale tout en renforçant la fonction publique territoriale et de rapprocher le service du citoyen.
Il y aura également une refonte du système de rémunération, favorisant l’efficacité et l’engagement des agents. Chaque poste aura sa propre fiche, où les objectifs à atteindre sont bien définis.
Cette transformation sera pilotée par l’Instance Générale de la Fonction Publique résultant de la fusion de trois organismes : Direction Générale des Services Administratifs et de la Fonction Publique, Direction Générale de la Formation et du Développement des Compétences, et la Direction Générale de l’Organisation des Services Publics.
Tout cela est dans le bon sens. Mais est-ce que le fonctionnaire tunisien est prêt à subir cela ? Nous sommes convaincus que la réponse est un Non, avec un grand N. Globalement, les fonctionnaires ne commencent pas leurs vies professionnelles près de leurs résidences principales, et subissent ce qu’ils appellent une « période de roulement ». Après quelques années, ils commencent le long chemin de rapprochement vers leurs villes natales. Tous les moyens sont bons pour cette fin : dossiers médicaux, mariage, parents à charge, etc. Passer dans une collectivité locale rendra la question du rapprochement géographique plus compliquée, voire irréalisable. Cela sans compter que les familles s’organisent selon l’endroit de travail des parents, avec l’obligation de poser ses enfants à l’école le matin et les récupérer après. Une grande partie des concernés n’appréciera pas cette démarche et l’État aura toutes les peines du monde pour convaincre son personnel.
Côté rémunération, le mode variable pourrait intéresser la haute administration. Les cadres de l’État sont certainement moins bien valorisés que leurs homologues dans le secteur privé, et ils ne demandent que cela. Plus on recule dans l’échelle, plus la mise en place d’un tel système devient difficile. L’attractivité de la fonction publique provient de la récurrence des revenus indépendamment de la situation économique. Après ce qui s’est passé durant la crise sanitaire dans le secteur privé, un poste dans une administration vaut de l’or. Si le salaire devient en partie variable, la visibilité sera réduite pour les fonctionnaires. L’exemple de ce qui se passe dans les recettes des finances est la meilleure illustration de cette appréciation.
Encore une fois, les intentions sont bonnes, mais leur application n’est pas évidente. Changer les habitudes de décennies en quelques années n’a jamais réussi.