La caméra assassine du metteur en scène en a décidé ainsi; il n’a pas tenu jusqu’au dernier épisode, il a tout raté ce pauvre bougre de clown, son entrée en scène et son aveuglement simulé, sa mise à nu intempestive par un infirmier tunisien roublard à souhait, son renvoi et enfin, sa fin derrière les barreaux d’un centre paumé dans la nature quelque part au fond d’une Sardaigne mafieuse.
Le clown est mort… et curieusement, les clowns ne meurent pas et sont généralement là pour faire sourire et on ne doit pas verser une larme sur leur sort, car ce n’est pas leur rôle de mourir ! Mais depuis que ZABA a pris l’avion et est allé mourir en terre méconnue dans ce qu’on appelle le cimetière des inconnus, tout ou presque tourne de travers dans ce pays puisque même les clowns décèdent !
Hallucinante, Attachante, Réaliste, Kafkaïen et Atroce cette HARKA de 20 épisodes – pourquoi 20 épisodes ?- de 45 minutes assène au spectateur et à chaque fois, un coup de poing dans un estomac censé digérer sa pitance ramadanesque; des scènes d’une violence inouïe mais combien courantes et d’un réalisme détonnant qui vous rappelle étrangement le cinéma italien –sic- des années 60 ; comme quoi, est-ce que l’histoire se répète même sur les écrans ?
Ce feuilleton fait mal, les acteurs ont mal et souffrent, l’environnement souffre, et sur une plage, les morts sont légions et le Maghreb se retrouve réuni malgré lui et souffre prisonnier dans un centre de rétention censé être italien.
Ce feuilleton n’est pas à voir, il est à revoir… sa fin est encore plus triste qu’il y a matière à un autre feuilleton avec les nouveaux arrivés sur la plage lesquels comme des zombies sont tellement pressés d’atterrir et qui ne regardent même pas les fuyards révoltés, ces morts-vivants de la migration clandestine vers un Occident censé être mirifique et merveilleux comme le palais des mille et une nuits.
Ainsi, avec ce clin d’œil, cette série peut se répéter à l’infini comme ces feuilletons qui n’en finissent pas sur les chaînes occidentales et où les acteurs vont jouer comme d’autres pointent à l’usine, mais aura-t-il le culot de nous refaire souffrir le metteur en scène…
Et la triste fin du clown triste dans un centre perdu au fond d’une Italie mafieuse qui commerce des hommes et des enfants et sans états d’âme agit et réagit comme ceux qui nous ont mené en bateau; bateau qui ressemble à une planète Terre avec ses contradictions, ses injustices, son racisme, une planète où il ne fait pas bon être un homme de couleur…
Ce clown mort et les autres vedettes mortes-vivantes dans cette série bien filmée, au montage réussi, avec des acteurs bien dans leur rôle et leur peau si on peut dire, et même les acteurs aux rôles détestables sont devenus détestables pour le spectateur qui aurait envie de les pousser dans l’eau où la majorité du feuilleton aurait été tourné ; ce clown mort dis-je nous ressemble et à tous ceux qui sont embarqués dans cette felouque Tunisie, aux prises avec les vents contradictoires des partis politiques aux buts plus ou bien inavoués et dont nombreux n’ont qu’un seul objectif c’est de vider la mer et détruire la mère patrie pour remplir leurs comptes dans les îles dites vierges au nom d’une religion dont ils ne connaissent, hélas, ni les fondements ni les principes.
Tuer le clown et les spectateurs c’est un programme n’est-ce pas ? Heureusement que des metteurs en scène comme l’auteur de ce chef-d’œuvre vient dessiller des spectateurs, les réveiller et les sortir de leur léthargie destructrice… On en veut des Harka et dans tous les domaines Lassaâd Oueslati car ce pays et ses clowns doivent survivre aux agresseurs de tous bords… alors je vous dis Lassaâd : Au Secours !