Leurs produits installés dans 16 pays sur le marché africain, ils nous confient que leur accomplissement le plus important est d’avoir réussi à exporter pour un client européen en Afrique ; du pur B2B basé sur un produit 100% tunisien.
Crises à visages d’opportunités
Mais quel est leur secret ? « Deux rêves, deux points de vue différents; on prenait le Lead à tour de rôle, l’idée est que chacun essaie de mener l’autre », répond Karim Aouij. « Le sérieux et la rigueur sont les premiers critères de réussite d’une entreprise. Nous travaillons avec rigueur pour le marché local. Plus tard, on a découvert que l’on parlait le même langage avec nos clients internationaux très exigeants », ajoute Sonia Louati. Ils étaient là au moment opportun, disent-ils, car Total cherchait quelqu’un qui l’accompagnerait en Afrique mais s’ils n’avaient pas été prêts, ils auraient raté le coche.
Gonflés à bloc par cette réussite, leur vision était d’aller à l’international. C’est là que les choses se corsent, et voici venir les difficultés du développement, la condition de trésorerie pour prétendre être compétitifs, les défis logistiques pour exporter, les difficultés liées aux ressources humaines, les exigences de l’industrialisation… « Que l’on soit deux, cela facilite les choses. En 2014, on a lancé l’export ; Karim prospecte et moi je m’occupe du développement. La confiance est capitale », commente Sonia. « Au cours des 15 ans, il y eut des situations où il fallait trouver de nouveaux financements, alors que les banques ne voulaient pas jouer le jeu.
Le 2ème challenge est la taille du marché », ajoute Karim. Il y a aussi les questions de Timing, où l’entreprise devait se développer malgré les périodes de crise que, positivistes, ils apparentent à des opportunités. Mais il fallait bouger malgré le fait que l’Afrique n’était pas vraiment la cible de la Tunisie en termes de pays. Présents au Burkina Faso, Ghana, Mali…, ils n’avaient pas de soutien, pas de partenaire financier. Ils se sont démenés et, encore une fois, les crises se sont transformées en opportunités. Jusqu’au moment où la Covid-19 fait irruption dans leur paysage…
Attention aux œufs dans le même panier
C’est là qu’ils découvrent à quel point les crises par lesquelles ils n’ont jamais vraiment cessé de passer se sont révélées précieuses pour leur permettre de contourner l’obstacle de la pandémie. Ils décident de créer une entreprise d’ingénierie quand le confinement leur a interdit l’export de leurs produits. Ils ont survécu, ils sont devenus plus agiles. Puis ce fut le retour en Tunisie et ils n’étaient pas enchantés car, nous confient-ils, le marché tunisien tire vers le bas en matière logistique et n’est pas orienté export. Cela implique des titres sur un mois alors qu’ils ont besoin de trois mois à une année et plus, qu’ils payent plus cher que les concurrents pour faire parvenir leurs produits.
Résultat, il leur est difficile de bouger alors qu’ils font rentrer de l’argent. Là encore, ils trouvent le moyen d’apprendre quelque chose : ne jamais mettre tous leurs œufs dans le même panier. Après 15 années d’expérience qui les ont aguerris, Sonia Louati et Karim Aouij ont leurs ‘recettes’: « Il est important de connaître le client et d’être sur terrain parce que, sur le marché africain la notion de temps et de projet est différente, le continent est en effervescence et il faut être patient, ne pas penser vendre tout simplement, mais être là et comprendre ce qui se passe: ce n’est pas un marché opportuniste», assure Sonia.
« Il faut des reins solides financièrement ; le moindre voyage te coûte 5 à 10 mille dinars, il faut investir de son temps et de son argent pour comprendre que le continent englobe plus de 50 pays avec des cultures complètement différentes; et je recommanderais de se focaliser sur les pays où il y aurait des relations», poursuit Karim. Après 15 ans et des réussites dans 16 pays africains avec plus de 300 stations-service à leur compte, ils sont en train de réfléchir à leurs prochaines destinations : le Moyen-Orient, l’Europe et l’Amérique, même si on voit bien qu’ils auront la nostalgie de l’Afrique pour toujours. C’est dans cet état d’esprit qu’ils adressent des messages à l’adresse des jeunes entrepreneurs.
« Quand on veut, on peut. Ce sera toujours vrai, en plus de cultiver passion, agilité, résilience, réactivité et adaptation », conseille Sonia. « Nous sommes dans un monde réactif. La Tunisie doit le comprendre si elle veut se repositionner sur la Méditerranée et ne pas rester à la traîne: il faut réindustrialiser. Quant aux entrepreneurs, ils doivent se remettre constamment en question, construire sur les impressions d’échec », conclut Karim.