« Le monde est un jeu ! ». C’est ce que ne cesse d’expliquer Samia Chelbi, fondatrice de la première école africaine spécialisée dans la formation 3D et effets spéciaux, 3D Netinfo, à chaque occasion qui se présente devant elle. Considérant le jeu vidéo comme un style de vie, son parcours dans le domaine des arts technologiques est un vrai combat dont elle a accepté d’en parler ouvertement.
C’est avec beaucoup de persévérance, de force et d’espoir que Samia Chelbi a choisi de faire ses pas dans le monde du Gaming. Un monde plein de challenges, qu’elle a percé avec l’unique ambition de le voir, un jour, prospérer en Tunisie. C’est sous la casquette de professeur universitaire et d’experte en ingénierie de formation créative et numérique que Samia Chelbi a fondé en 1999, 3D Netinfo, la première école 3D en Afrique francophone formant depuis, plus de 15 000 étudiants et professionnels venant de plus de 15 pays africains.
Offrant des formations en métiers de production de contenu de jeux vidéo, Chelbi assure ainsi la formation et l’accompagnement de tous « les éléments de la chaîne de valeur », tels que le « game designer », les artistes responsables du décor, des caractères, des effets spéciaux, du son design…, les développeurs… Des distinctions haut de gamme : le centre certifie pour le leader mondial de rachat de logiciel 3D, Autodesk, et est « Academic Partner » d’Epic Games, le producteur de Fortnite, Street Fighter, Seven… permettant de développer davantage de technologies de production de contenu créatif, immersif, jeux vidéo… appelées notamment «Unreal Engine», une révolution dans la technologie du Gaming appliquée aussi bien dans les jeux vidéo que dans le cinéma, les « life events », l’architecture, la fabrication de tout ce qui est automoteur…
Ces distinctions sont le fruit des efforts déployés par la « marraine du Gaming en Tunisie » qui, malgré sa force de conviction en le potentiel de ce secteur en Tunisie, ne cache pas son inquiétude pour les jeunes créateurs en quête d’accompagnement et d’encouragement. Elle déplore que l’État peine à s’engager dans une industrie aussi prometteuse que l’industrie du Gaming.
…et pourquoi pas une formation en « Game design » ?
Face à un marché, de fort potentiel encore inexploité en Tunisie mais qui suscite un grand engouement auprès des jeunes tunisiens, ces derniers sont en quête d’un cadre de formation capable de leur offrir les dernières nouveautés dans le monde du Gaming. Malheureusement, selon la fondatrice de 3D Netinfo, il n’y a pas encore de formation en «game design ».
« Même avec Epic Games, nous bataillons encore pour instaurer ce type de formation en Tunisie. Mais, actuellement, on offre des connaissances relatives aux métiers créatifs, les artistes de décor, des caractères, de développement, de « coding » orientés vers le Gaming…», a-t-elle expliqué. Et d’ajouter « Les jeux VR (Virtual Reality), seront au centre de tout ce qui représente la «user experience».
Créer un jeu vidéo n’est pas seulement un processus technique contrairement à ce que certains pourraient penser, il implique toute une chaîne de valeur complexe qui fait intervenir la création artistique, le développement informatique et le marketing pour proposer au «user» un design attractif et une expérience visuelle agréable. C’est le fruit du travail de toute une équipe de créatifs, de développeurs et de « marketers » et il est temps d’investir dans ces domaines du futur peu conventionnels.
Des passionnés en quête d’accompagnement
La Tunisie regorge de talents capables de créer des jeux vidéo innovants, encore faut-il qu’ils soient bien accompagnés. C’est ce qu’a défendu fortement Chelbi qui a rappelé que son «Living Lab» ouvre toujours ses portes aux passionnés du monde du Gaming. Outre les formations et l’accompagnement pour la production du contenu qu’offre son école, 3D Netinfo, en e-sport, en « serious games », en « hardcore games » … son «Living Lab» est une vraie pépinière pour mettre en place des projets pluridisciplinaires qui regroupent toute la chaîne de valeur.
La marraine du Gaming en Tunisie espère que ses efforts soient consolidés par une implication plus profonde de l’État dans l’accompagnement de ces passionnés en quête de réussite dans un marché mondialisé. Au-delà de la formation, ils sont imprégnés de valeurs sociales et à la recherche d’un impact social plus profond de leurs œuvres.
Quand le Gaming se donne une mission
C’est entre les rayons de « Living Lab », le laboratoire d’innovation de Netinfo, comme a choisi de l’appeler Mme Chelbi, que se créent les jeux vidéo à impact social. « Grâce à une subvention offerte par Epic Games, on est en train d’accompagner dans Wipi Africain des jeunes pour les former dans des projets à impact social », a-t-elle mentionné. C’est à travers la présentation des prototypes que cette dimension sociale est révélée aux décideurs, citoyens, parents, enseignants…
Samia Chelbi et ses collaborateurs essaient de gamifier certaines problématiques sociales. «On part d’une problématique sociale telle que l’addiction des adolescents aux écrans, on sollicite l’avis des spécialistes et des experts, on diagnostique les données pour proposer, à la fin, un jeu «serious game», destiné à cette catégorie de personnes via un prototype et on en récolte les fruits : des résultats, des paliers, des échantillons…», a expliqué Samia Chelbi. Cet aspect social traite de beaucoup de sujets et couvre plusieurs catégories telles que les autistes, les victimes de violences conjugales et autres.
Selon la fondatrice de 3D Netinfo, « En travaillant sur l’impact social du Gaming, on découvre l’importance de l’intelligence artificielle qui permettra aux spécialistes, selon la problématique traitée, d’améliorer quantitativement leur travail et de se concentrer davantage sur l’amélioration de leur produit ».
Formés à Netinfo et lancés à l’international
Le chemin vers le développement d’une industrie pareille en Tunisie reste long. « C’est vrai qu’il y a des success stories parmi les profils qu’on a formés à 3D Netinfo, au Cameroun, à Epic Games, en Suède, au Canada, au Qatar… mais malheureusement, ils ne trouvent pas le climat propice à leur développement en Tunisie », a confié Samia Chelbi. Et d’ajouter : «Pour pouvoir parler d’industrie de gaming en Tunisie, on a besoin d’organisation et de structuration du secteur.
Il est important de mettre en place une plateforme pour accueillir les personnes formées. Ceci commence par la reconnaissance du métier et l’instauration d’autres écoles publiques pour former ces passionnés du Gaming ».
Gros potentiels pour une concurrence mondiale
Partant de sa conviction quant à la capacité des profils tunisiens à résister à la concurrence, Samia Chelbi ne cache pas son optimisme et sa confiance en les compétences tunisiennes à envahir ce nouveau monde et arracher leur place, encore faut-il mettre en place tout un écosystème regroupant tous les éléments structurels et organisationnels pour assurer la réussite de ce secteur dans notre pays.
Chelbi a expliqué, dans ce sens, que « Certes qu’on veut créer nos propres jeux mais avons comme priorité à l’heure actuelle le développement économique de cette industrie. La sous-traitance peut constituer une première étape de ce long processus. Elle permet d’embaucher nos jeunes compétences. Une fois qu’on atteint un certain niveau de maturité, et une certaine aisance financière, on pourra créer nos propres produits ».
Et d’ajouter que « l’Allemagne et le Canada ont besoin aujourd’hui de compétences. C’est une manne dont il faut profiter. Il faut à ce titre développer davantage nos métiers du Gaming tels que le managing, nos ressources humaines qualifiées et nourrir la passion en nos compétences. Il faut aller en profondeur dans le potentiel de chacun d’eux et essayer de lui ajouter des connaissances pour l’initier à l’ère du digital. C’est juste tout ce dont ils ont besoin pour exceller même à l’international !».