Tout reste pratiquement à faire ! Car notre pays n’a pas encore su répondre à l’effervescence que connaissent les ICC et leur insuffler une nouvelle dynamique. Et, pour renverser la tendance, le club Culture de l’Atuge vient de consacrer une série d’événements à ce secteur dont son premier webinar qui vient de réunir des spécialistes et accompagnateurs de plusieurs pays pour explorer le panorama des structures d’accompagnement à l’entrepreneuriat culturel.
Un débat modéré par Chahira Mehouachi, VP d’Atuge France, en charge des programmes et de la communication et enseignant chercheur spécialisée dans les industries créatives et Islem Slimi, responsable du club Culture d’Atuge France et consultante en Marketing Digital.
Vers un nouveau modèle économique, peut-être
Au fil du débat, nous avons vu qu’une faille se creusait au fur et à mesure entre ce que représentaient les intervenants et la réalité tunisienne. Saloua Abdelkhalak (TIC-DCE, Directrice Générale et fondatrice), Henri Flamand (Minassa, Head of INCO MENA), Yehia Houry (Flat6Labs Tunis, Directeur Exécutif), Chérine Lakhdhar (Institut Français de Tunis, Attachée de coopération audiovisuelle et numérique), Catherine Peyrot (LINCC, Directrice Générale), Talel Sahmim (Creative Tunisia, Conseiller Technique) appartiennent à la crème des acteurs qui font tourner la sphère de la nouvelle économie et les courtes présentations qu’il ont fait de leurs institutions respectives en ont plus que donné la preuve.
Des visions d’une culture qui serait un vecteur économique promoteur, des astuces pour dynamiser l’investissement public-privé, des voies d’intégration des industries culturelles et créatives, des modèles économiques plus accessibles, le bouleversement des chaînes de valeur, des cycles d’investissement, l’accompagnement à la propriété intellectuelle, des fonds d’amorçage, des symbioses, une démarche scientifique, des expérimentations, du prototypage, la création de locomotives…
On se prend vite au jeu, on voit clairement se miroiter au loin tout un nouveau pan de brio économique, un grand vivier d’emplois certainement, des débouchés internationaux probablement, une passerelle vers un nouveau modèle économique peut-être…
Rattacher le wagon de l’innovation à l’économie réelle
On déchante bien vite quand vient le moment de faire le diagnostic de la réalité tunisienne actuelle. Pour faire passer la pilule, Catherine Peyrot affirme avec indulgence : « Cela ne se construit pas comme ça, nous travaillons depuis des années ; l’entrepreneuriat dans ce domaine particulier a la spécificité des gens qui le composent… ».
Talel Sahmim est plus radical, il met tout de suite le doigt sur la plaie : « Nous avons un problème de base ; nous n’avons pas de stratégie en Tunisie ; nous avons du mal parce que chacun se développe dans son coin, les mécanismes de financement public qui peuvent être éligibles pour tout le monde n’existent pas, à la BFPME et à la BTS, il y a des gens qui en sont éligibles ni pour l’un ni pour l’autre… ».
Saloua Abdelkhalak s’engouffre dans la brèche : « Il y a un manque de communication entre les organismes de soutien ; les entrepreneurs artisanaux ne sont pas considérés comme secteur de valeur ajoutée ; et nous avons des problèmes dans l’activité culturelle qui ne peut bénéficier des avantages que reçoivent les secteurs productifs. »
Chérine Lakhdhar met un bémol en parlant, non pas de ce qui doit être fait, mais de ce qui est en train de se faire: « Nous annonçons un Fonds de solidarité pour les produits innovants qui sera mis en œuvre sur 2 ans ; nous sommes en phase de prise de contact pour sonder les projets, puis la sensibilisation à la propriété intellectuelle. Je vous invite à réfléchir ensemble pour mener à bien des actions communes pour la professionnalisation de ce domaine. »
Yehia Houry est du même avis : «Nous pouvons tous collectivement travailler ensemble sur le renforcement des business models des ICC avec des réunions où tout le monde est là (y compris les structures d’accompagnement), ramener un savoir-faire sur des projets particuliers, avoir l’avis de beaucoup de talents même s’ils ne font pas partie du tour de table.» Selon Henri Flamand, il faut aller encore plus loin : « Nous devons œuvrer à développer la logique internationale ; penser potentiellement des programmes régionaux ICC, développer des produits entre des entreprises ; au niveau local en Tunisie, il y a une nécessité à s’intégrer dans une logique collaborative. »
Tous ont plus ou moins parlé de rattacher le wagon de l’innovation à l’économie réelle et, pour cela ils ont répété encore et encore que la Tunisie doit bouger, s’appuyer sur les compétences de chacun et essayer de créer un dialogue, des passerelles à favoriser, trouver des solutions au financement qui reste très problématique, passer de la logique de subventions aux leviers de démarrage où les institutions publiques ont un rôle à jouer, résoudre les pressions de siège social, travailler sur premier blocage qui est le volet réglementaire, adapter la formation, développer le cadre PPP… et assurer les droits d’auteur.