Le choix du sujet s’inscrit dans une logique de continuité avec l’article précédent. L’objectif est d’aborder la complexité liée à l’évaluation du «fonds libéral» qui constitue généralement l’essence même de la transaction.
L’objectif n’est pas d’exposer en détail les méthodes d’évaluation mais de mettre en évidence les éléments distinctifs ou les particularités à prendre en compte dans le cas de l’évaluation d’un cabinet de professionnel indépendant. Cette clientèle à transmettre au repreneur présente la particularité d’être fondée sur l’intuitu personae et donc à la relation de confiance entre le professionnel et le client.
Pour cette raison, la profession libérale n’est pas de nature commerciale et le « fonds libéral » ne peut pas constituer un fonds de commerce au sens juridique du terme. Cette particularité liée à la clientèle des professions libérales fait pratiquement toute la différence entre une entreprise classique et un cabinet professionnel libéral. Financièrement parlant, la qualification juridique de cette clientèle n’importe pas mais l’intuitu personae qui la distingue dans le cas d’une profession libérale par rapport à une entreprise classique rend cette clientèle incertaine dans une certaine mesure.
En effet, le repreneur d’un cabinet d’expertise comptable ou d’avocat par exemple, n’est pas certain de pouvoir garder toute la clientèle qui se trouve dans le portefeuille du cédant à la date de la transaction. Le repreneur n’a généralement aucun droit sur cette clientèle et n’est pas sûr de réussir à sauvegarder cette relation basée sur l’intuitu personae.
Pour évaluer un cabinet à transmettre, les trois grandes approches classiques d’évaluation peuvent être appliquées à savoir : l’approche patrimoniale, l’approche basée sur les performances et l’approche basée sur les multiples. Étant donné que la clientèle ou plutôt le droit de présentation à la clientèle constitue dans la plupart des cas l’essentiel du prix d’un cabinet de professionnel, il est préférable de se baser sur des méthodes basées sur les performances ou sur les méthodes hybrides (intégrant une composante patrimoniale et une autre basée sur les performances).
En effet, dans une cession d’un cabinet d’expertise comptable par exemple, le prix peut correspondre aussi à la contrepartie des actifs tangibles cédés (mobilier, matériel informatique, etc.), à la qualification et l’expérience de l’équipe en place, etc.
Privilégier les méthodes qui intègrent les performances futures permet d’une part d’estimer la valeur des éléments intangibles (droit de présentation à la clientèle, expérience de l’équipe en place, etc.) mais d’autre part d’établir un plan d’affaires qui prend en considération la particularité susmentionnée liée à la nature de la clientèle. Ainsi, il ne s’agit pas d’adapter les méthodes d’évaluation mais il s’agit plutôt de prendre en compte les facteurs sus indiqués dans la construction des projections futures.
En prenant le cas d’un cabinet d’expertise comptable, le chiffre d’affaires projeté ne doit pas être celui apporté par l’effort du repreneur, il doit être corrigé éventuellement de la part du portefeuille non transmissible au repreneur (dossiers d’expertise judiciaire, etc.) et d’une décote estimée afin de prendre en compte les clients qui ne resteront pas pour des raisons d’affinité avec le cédant.