Le statut des femmes a connu des évolutions profondes tout au long de l’histoire et dans les différentes régions du monde, passant du pouvoir à la soumission comme un pendule. Dans l’Égypte ancienne, les femmes détenaient des droits financiers égaux à ceux des hommes. Elles pouvaient acquérir, posséder et disposer de biens, elles avaient des droits civiques égaux leur permettant de poursuivre ou d’être poursuivies et elles pouvaient servir de témoins et faire partie de jurys. De même, à l’époque médiévale, l’égalité dans les relations familiales et le droit à la propriété commune après le mariage étaient reconnus dans de nombreuses régions du monde. À d’autres moments et dans d’autres lieux, cet équilibre a disparu ou a été considérablement réduit.
Les droits économiques sont arrivés tard
Il n’y a pas si longtemps, dans les pays occidentaux, les femmes n’avaient pas les mêmes droits en matière d’héritage. La loi britannique ne l’a accordée qu’en 1922. En France, les femmes n’ont été autorisées à travailler sans le consentement de leur mari qu’en 1965. Plus intriguant encore, les femmes ne pouvaient pas ouvrir un compte bancaire par elles-mêmes. Aux États-Unis, ce n’est devenu possible que dans les années 1960 et au Royaume-Uni, elles ont dû attendre jusqu’à 1975. Au pays de l’Oncle Sam, elles ne pouvaient pas demander un prêt sans un garant masculin avant jusqu’à 1974 et n’étaient pas non plus admises à la Bourse. Ce n’est qu’en 2018 qu’une femme a été nommée comme Présidente de la Bourse de New York.
L’économie de l’émancipation des femmes
L’émancipation des femmes reste un concept relativement vague. En économie, il est traduit par des politiques visant à accroître la contribution de la gent féminine à la croissance. Les femmes, qui représentent un peu moins de la moitié de la population mondiale en âge de travailler, ne génèrent que 37% du PIB mondial. Ces chiffres mondiaux masquent d’énormes disparités régionales, les taux d’activité les plus faibles pour les femmes étant parfois inférieurs à 30% dans certains pays du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord ou d’Asie du Sud. La relation entre les taux d’activité des femmes et le PIB par habitant suit une forme en U, ce qui signifie que les taux d’activité des femmes sont les plus élevés dans les pays les plus pauvres comme dans les plus riches, et les plus faibles dans les pays ayant un revenu national moyen. En outre, les femmes sont surreprésentées dans les emplois faiblement rémunérés (notamment dans l’agriculture), à temps partiel, informels et peu productifs. Lorsqu’on réfléchit à la contribution des femmes à l’activité économique, on peut dire qu’on omet les services des femmes au foyer qui ne sont pas rémunérés. Même si la mesure statistique du PIB intègre certaines activités non marchandes, elle n’inclut pas le travail non rémunéré.
Les femmes remontent la pente
Qu’il s’agisse d’intelligence ou d’émotion, de cognition ou de comportement, la science confirme que les hommes et les femmes sont fondamentalement différents. En 1871, Charles Darwin soutenait l’hypothèse que l’évolution rendait l’homme supérieur à la femme dans le domaine intellectuel et artistique. Pendant des décennies, les scientifiques ont prétendu trouver des preuves de cette supériorité. Pourtant, l’augmentation de l’accès des femmes à l’éducation a progressivement fait taire ces idées. Aux États-Unis, 5% de la population américaine obtenait un bachelor’s degree en 1940 : 5,5% des hommes pour seulement 3,8% des femmes, ce qui signifie que pour égaler les performances des hommes, 45% de femmes de plus devaient obtenir le diplôme. En 2018, 30% de la population américaine est parvenue à décrocher un diplôme universitaire et, pour la première fois, plus de femmes que d’hommes ont réussi à le faire. Cependant, dans l’industrie de la gestion d’actifs, il y a beaucoup moins de femmes qui gèrent des fonds que de femmes qui occupent des emplois exigeant un niveau d’éducation élevé similaire. Selon les études, seul un gestionnaire de fonds sur cinq est une femme et ce, malgré les multiples enquêtes suggérant les performances exceptionnelles des fonds dirigés par des femmes.
La question de prise de risque
Certains chercheurs ont suggéré qu’il existe des différences fondamentales de cognition entre les deux sexes, tandis que d’autres ont exploré les disparités psychologiques ou les facteurs sociaux qui peuvent expliquer chaque comportement. En ce qui concerne la prise de risque, les avis sont unanimes : les hommes prennent plus de risques que les femmes que ce soit en raison d’émotions différentes, d’une confiance excessive ou d’une perception différente du risque. Ils semblaient prendre plus de risques même lorsqu’il était clair que c’était une mauvaise idée de le faire alors que les femmes sont peu enclines à prendre des risques même dans des situations assez favorables ou même lorsqu’il était bon de passer le cap. Cela suggère que les hommes ont tendance à rencontrer l’échec plus souvent qu’ils ne le devraient alors que les femmes ont tendance à connaître le succès moins souvent qu’elles ne le devraient.
Les hommes prennent le dessus…
En examinant plus précisément les différences de comportement financier entre les deux gents, les chercheurs ont montré que les investisseurs masculins se perçoivent souvent plus compétents, qu’ils sont plus confiants et qu’ils vendent plus souvent mieux que leurs homologues femmes. Les expériences menées sur les marchés entièrement masculins ont eu tendance à produire des bulles de prix, tandis que les places entièrement féminines ont produit des prix inférieurs à la valeur fondamentale. Les hommes font donc preuve d’un plus grand optimisme et d’une surestimation des faibles probabilités de réussite par rapport aux femmes. Ces différences de comportement peuvent toutefois être le résultat de l’identité sociale plutôt que de la génétique. L’identité sociale est un produit culturel qui impose une confiance excessive aux hommes.
… mais ce n’est pas toujours bon
Au moment de la crise financière mondiale en 2008, Christine Lagarde, Directrice Générale du FMI, a déclaré que s’il s’était agi de Lehman Sisters plutôt que de Lehman Brothers, le monde pourrait bien être bien différent aujourd’hui, faisant allusion à la domination masculine du secteur bancaire. En effet, la prise de risque excessive et incontrôlée était au cœur de la crise, car les institutions financières et les régulateurs ont mal compris les comportements des gérants. Pourtant, il ne s’agit probablement pas d’une question liée au genre. Lehman Brothers avait une femme dans son Conseil d’Administration depuis 1996, et son CFO n’était autre que Mme Erin Callan. La responsable du pôle des produits dérivés de JP Morgan, Mme Blythe Masters, a participé à la création du credit default swap, un instrument qui a joué un rôle majeur dans la crise. Le comportement financier était donc plutôt lié à la culture du risque des entreprises.
Les bonnes conséquences de la crise de 2008
Avant la crise de 2008, l’équilibre entre la prise de risque et le contrôle était souvent ignoré. La gestion des risques au sein des organisations financières s’est invitée au premier plan des débats sur la culture du risque, impliquant des investissements importants en temps et en ressources. Parallèlement, les discours des entreprises qui soulignent l’importance d’une forte orientation client et du respect des processus de contrôle interne ont gagné du terrain. Les entreprises ont également introduit de plus en plus de mesures spécifiques du risque dans le système de gestion des performances afin de modifier le comportement des employés. La réglementation a sans aucun doute contribué à accélérer ce changement de culture.
Valoriser les différences plutôt que les similitudes
Dans l’histoire récente, l’accès des femmes à des postes hiérarchiquement supérieurs dans les sociétés a généralement été fonction de leur capacité à prouver qu’elles étaient comme les hommes. Toutefois, il est important de noter que « similaire » ne signifie pas nécessairement « égal », et que « différent» ne signifie pas non plus « inégal». De l’égalité ou de l’inégalité, la discussion s’est déplacée vers l’importance de la diversité des sexes. Les recherches menées par le BCG sur les avantages de la diversité ont montré que les entreprises dont la main-d’œuvre et les équipes de direction sont plus équilibrées entre hommes et femmes sont plus créatives, plus innovantes et plus résistantes, tandis que les employées de ces entreprises ont un niveau d’engagement plus élevé. La complémentarité entre les sexes semble être devenue le nouveau credo. De plus en plus, on entend parler de l’importance d’une plus grande représentation des femmes aux postes de direction, par exemple en augmentant le nombre de femmes dans les Conseils d’Administration. Les entreprises mettent souvent en place des initiatives ou des objectifs de diversité, marquant le début d’une nouvelle ère. Il est important de comprendre et de promouvoir la diversité sous toutes ses formes : le sexe, d’une part, mais aussi l’âge, la culture, l’éducation et le parcours professionnel. Ce ne sont là que quelques-uns des nombreux aspects qui peuvent permettre aux entreprises de disposer d’une main-d’œuvre riche, plus susceptible de leur fournir les performances économiques qu’elles recherchent.