Digitalisation du secteur de la santé ? Pas exactement, car de le dire d’une manière si littéraire nous fait passer à côté de la dimension sensationnelle de ce Webinaire. Voici : ce que Ernst&Young et Huawei mettent en débat, ce n’est rien de moins que cette e-Santé objet de tous les fantasmes, avec certaines applications qui ressemblent à de la science-fiction.
Il ne fallait donc pas s’étonner des perspectives assez extraordinaires ouvertes par les échanges des participants que Walid Hamouda, modérateur de bout en bout, a établi sur 6 thèmes : enjeux et stratégie nationale de santé numérique, stratégie digitale, perspectives et évolution, usage des solutions santé numérique d’un point de vue application puis du point de vue du praticien, angle du secteur privé et des Startups, réalisations et perspectives à l’échelle internationale.
Le métier doit être l’acteur principal de sa transformation
Mounir Ghazali, Associé Ernst&Young Tunisie, survole tout de suite le sujet en liant notre secteur de la santé au point de vue de l’OMS qui dit que le secteur aurait des problèmes de gestion et de dépense et estime qu’entre 20 et 30% de dépenses hors de propos. « Il y a aussi la tendance des transformations technologiques qui changent la santé pour les médecins et les patients s’agira-t-il d’un levier ? 60% des médecins disent que oui pour des actes médicaux complexes au cours des 10 prochaines années et les deux tiers sont prêts à recevoir des soins à travers le canal digital », ajoute Ghazali.
Lotfi Allani, conseiller du Ministère de la Santé, poursuit sur cette lancée en affirmant que nous n’en sommes pas aux abc et que la digitalisation de la santé (l’aube de la e-Santé) remonte à 1992. Un bémol en route : beaucoup de travail mais toujours un problème de numérisation : « Ce n’est pas le contenu et les applicatifs qui sont en cause mais nous avons un problème d’infrastructure car nous sommes devant une ‘gourmandise’ en bande passante. » Il promet quand même que, sur 3 ans (2020-2023) l’objectif de notre système de santé numérique est d’avancer sur la réduction des coûts et du temps de traitement (nous avons un problème de suivi des dossiers des malades). Une trentaine de mois pour clôturer, mais déjà, dans 2 mois la bande passante va doubler et les 95 millions de dinars de l’AFD vont permettre en fin de compte d’améliorer la télémédecine : « Nous allons travailler sur l’interopérabilité nationale des systèmes numériques de santé ; cela n’existe pas et c’est un point faible. Nous sommes en train d’essayer la carte Labess au niveau de 11 établissements de la santé. Notre vision pour 2023 : soins pour tous, créer des solutions (notamment avec Huawei pour des solutions réelles pour quelques EPS : Marsa, Rabta…), créer de petites actions pour les 200 structures de santé. »
Pour sa part, Hassen Harrabi, Conseiller du ministre auprès du ministère des Technologies de la communication, qui poursuit dans la logique de placer le citoyen au centre des services de la santé, de veiller à l’équité, la protection, la transparence… Il nous présente un citoyen partenaire actif et catalyseur dans une logique de Citizen Centered Services.
Harrabi prend soin de souligner que le ministère TIC intervient ici comme un accélérateur de la transformation digitale pour permettre aux différents projets de voir le jour : « Nous avons constaté que nous étions capables de répondre aux urgences pendant la Covid. Avec la vaccination nous sommes capables de piloter et développer avec d’autres acteurs. Quant à la e-Santé, nous sommes pour créer le Digital Office, sur la Tetch for Health avec des approches de Design Thinking. Le métier doit être l’acteur principal de sa transformation. »
Capter le ‘plus’ à partir de la réalité du terrain
Harrabi estime que nous devons saisir la nécessité de gérer la vaccination pour diligenter la mise en place de l’identifiant unique : « Si nous sommes assez intelligents, nous construirons dessus. Il faut y aller pour récupérer des données ; le projet d’interop est un outil, un moyen, et le rôle du ministère TIC est transverse (activateur) avec l’idée que les différents centres revoient leur rôle. Personne n’est capable de dresser une cartographie ; il faut s’y mettre ensemble. »
Le qualitatif du Webinaire montre crescendo avec Loic Chabanier, EY Partner Healthcare leader for Western Europe and Maghreb, qui s’attache au seul point de vue de la e-Santé (pas de politique) : « La e-Santé doit être structurante, et un levier important pour améliorer la prise en charge, une dimension culturelle, économique et éthique émergent. La bonne pratique n’a de sens qu’en étant spécifique à chaque pays. » Voilà, c’est dit et Chabanier fait pleuvoir les exemples : l’Estonie ou des pays d’Asie du Sud-Est, Singapour… L’Estonie surtout où domine ‘L’État Tout Digital’ éloigné de la plupart des autres systèmes de santé où tout est éparpillé et disparate : « Le débat doit se porter sur la décentralisation des services de santé, sur le bon parti-pris, sur les points d’accès décentralisés pour faciliter le parcours de l’usager, le développement de la confiance (là le développement e-Santé est très rapide), la crainte de ce pourrait faire l’État (niveau de confiance), les catalyseurs de développement (coordination des soins, c’est parti des médecins, le patient est au cœur du système), repositionner le patient au cœur du parcours, des approches différentes sur la sécurité (l’Estonie a choisi le contrôle à postériori), on peut accorder des incitations ou appliquer strictement la loi (carotte ou bâton) !,… Finalement, il y a beaucoup d’exemples et le tout est de capter le ‘plus’ à partir de la réalité du terrain. »
Chez Huawei, toutes les solutions sont disponibles Off-the-Shelf !
Hafedh Ben Fakhet, IP Product & Solution Manager chez Huawei, étonne tout le monde en annonçant que toutes les solutions possibles et imaginables sont déjà disponibles ; Off-the-Shelf, allions-nous dire.
« Nous avons différentes solutions qui sont actuellement implémentées en Chine et dans le monde. Pour que les gens des métiers de la santé puissent accélérer l’adoption sur le terrain de la transformation digitale, nous proposons la convergence sans oublier la sécurité (tout le monde fait la course pour ces données, n’est-ce-pas ?) qui est cruciale et doit être strictement confidentielle. Nous avons plusieurs solutions aux contraintes d’aujourd’hui avec 2 types de technologies : 5G et WiFi6 (solutions de connectivité mobile) super performants (10Gbits/s) et on va ajouter des Gates IOT pour servir plusieurs réseaux en même temps. Ces protocoles qui sont déjà utilisés par d’autres applications, on va les rendre possibles aux fournisseurs d’accès dans le cadre du Vital Science Management. »
Étonnant, n’est-ce pas ? Et Hafedh Ben Fakhet devance l’incrédulité en donnant la parole à Dina Farag Aly, Huawei Egypt, qui fait une démonstration en Live sur le Webinaire. Elle nous montre l’un des appareils en question avec des composants Huawei à un seul ID et à configurer pour que cet appareil soit identifié dans l’espace couvert. Elle nous parle de sécurité et de traçage permanent.
Vous savez évidemment ce que cela veut dire : la e-Santé n’est plus à classer dans l’ordre de la quasi sci-fi quel que soit le degré d’évolution de ses services (y compris ceux à distance) car des constructeurs comme Huawei ont toutes les technologies possibles en catalogue (y compris du côté de l’Internet of Things).
La technologie peut ouvrir les portes avec la AI et la Big Data
Il ne nous manque plus que l’angle des gens de terrain pour saisir toutes les dimensions du sujet ; et c’est ce que nous permet Abdelrazzek Bouzouita, professeur à l’hôpital Charles Nicolle et membre du Conseil scientifique : « La crise Covid nous a boosté ; c’était difficile d’imposer le partage alors que chacun travaille seul (labos, imagerie, pharmacien…). Malheureusement, nos malades ont plusieurs identités à cause du défaut d’identifiant unique et cette réalité est importante quand on voit l’afflux dans les urgences aujourd’hui. Pour faire face, nous avons développé une application dont nous usons quand un malade est hospitalisé, nous lui accordons un code à barres et cela permet d’améliorer la relation malade-administration. Nous allons continuer à adapter notre application, elle a prouvé que l’on gagne du temps et de l’argent… ». Selon Pr Bouzouita, et derrière lui les gens du terrain, parmi les lacunes les plus remarquables dans la santé, on tombe sur la nomenclature CNAM dont on attend la révision pour une meilleure étude des coûts (une question centrale de l’avis de tous).
Également parmi les gens de terrain, Karim Ahres, président de la CONECT Digital et CEO de Netcom Tunisie, souligne la nécessité impérieuse de mettre tous les acteurs de la santé (directs et indirects) d’accord, car c’est à cette condition que la Tunisie peut devenir une plateforme santé étalon pour toute la région africaine en 2023 : « Notre partenaire Huawei a construit un hôpital en 10 jours. À partir de là, si on convient qu’en Tunisie, le Cloud First est une excellente initiative et que la 5G est à l’ordre du jour, nous comprenons quelle opportunité se profile pour nous en Afrique. En tant que patronat, nous savons comment aller très vite. C’est très simple, il y a des modèles à reprendre ; par exemple la Belgique, le Luxembourg, le Portugal, l’Espagne, découper le pays en 5 ou 6 régions et la démarche à suivre devient transparente : transformer le CNI en centre d’interopérabilité (d’ici 2023, on peut aller loin grâce à l’IOT), choisir les gens qui vont accompagner dans les autres hôpitaux (comment former des jeunes médecins comme ce que fait Bouzouita dans Charles Nicolle), mettre en place rapidement avec Huawei. »
Ahrès appelle à aller avec l’IOT dans les hôpitaux (au moins une quinzaine), en promettant que la CONECT sera là en tant que patronat pour aider à faire en sorte que la Tunisie soit une plateforme de télémédecine : « Cela veut dire que nos médecins resteront en place en Tunisie, c’est un remède contre la fuite de cerveaux.
Avec la 5G, les choses sont simples et il faudrait que nos banques s’impliquent pour que les payements avec les pays africains soient assurés. »
Le dernier mot revient à Adnane Ben Halima, vice-président Huawei Northern Africa, qui reprend les témoignages pour déduire la contribution de la technologie à l’orchestration de la santé, la gestion du temps et des ressources (qui sont très critiques dans la santé), les ressources humaines, la tech qui pourrait aider à gérer efficacement et améliorer les coûts : « La santé ne doit pas être un luxe mais un service universel tout en ouvrant les portes à de nouvelles opportunités. Durant les dernières décennies, la Tunisie a eu une excellente réputation dans les services de santé mais sans exporter et la technologie peut ouvrir les portes, notamment avec la AI et la Big Data. Il n’est plus question de se demander si on va y aller ou non, mais plutôt comment y aller. Huawei croit en l’écosystème tunisien et si on commence, je vous promets que ce sera très rapide. »