Tout est prétexte à innovation pour Rym Akremi Ben Dhief ; une manager de pure souche consciente du double défi d’être à la tête d’une entreprise high tech et de manœuvrer en pleine pandémie. Une montée spectaculaire en compétences qui se poursuit pour elle depuis plus de deux décennies ; mais est-ce la règle ?
Non, car les femmes n’ont pas le temps de se consacrer au réseautage, clef de toute promotion. Que faire ? Selon elle, les femmes doivent vraiment travailler à l’accès à différents réseaux, s’entraider, se “vendre” les unes les autres…
On voit d’abord le sourire et les lunettes. Puis un look indéniablement classique, et tout le dit: les habits, la coiffure, le maquillage à peine perceptible. Quand elle s’exprime, c’est un flux de parole très posé, parsemé de sourires ; et ses mains «parlent» le plus souvent à l’unisson comme quelqu’un déclamerait un poème… et toujours ce sourire qui monte en gamme, plane, remonte, s’élargit. L’attitude et le look sont manifestement là pour briser la glace, mettre les autres en confiance.
Car le discours semble pensé pour vous tenir en haleine, il est truffé d’exigences, de points d’inflexion qui résument sa vision des choses : elle parle d’Intelligence artificielle, de RSE, du concept Anyone-Anywhere, du digital dans notre manière de concevoir, du travail d’équipe, du capital humain… et surtout de Bottom-Top (en contraste avec le Top-Bottom). Un message subliminal pour les troupes… et une attitude type de Super Manager.
Innovation à tous les étages
En avril 2019, à l’aube de la pandémie Covid-19, le CA de Tunisie Telecom décide de propulser un vétéran de plus de deux décennies de carrière intra-muros à la tête de sa filiale Topnet : Rym Akremi Ben Dhief, une manager pure souche diplômée de la prestigieuse FSEG de Tunis. Tout de suite, c’est le passage sous le feu. Elle s’adapte, et multiplie les lancements. Elle lance, en partenariat avec Fortinet, la nouvelle solution SD WAN pour des réseaux plus intelligents et plus flexibles, moins coûteux.
Elle lance Net Protect, une solution dédiée aux PME et tout indiquée pour les call-centers et le télétravail. Elle lance Topnet School, une plateforme d’éducation en ligne et des contenus ludiques avec un espace collaboratif entre élèves et avec leurs profs en collaboration avec la Startup tunisienne EasySchool, l’un des pionniers des développements de contenus éducatifs. Elle lance la toute première franchise de Topnet, et se rend sur place au Kef pour soutenir son partenaire et faire passer le message pour le client-cible de l’intention derrière la franchise : rien de moins que le désenclavement régional.
Notez bien ce «en partenariat» par lequel Rym Akremi Ben Dhief: SD WAN en partenariat avec Fortinet, Ifleet avec BWS Solutions, Topnet School en partenariat avec EasySchool, la franchise Topnet en partenariat avec un particulier au Kef. Elle gagne ses galons de booster de l’écosystème.
Les femmes doivent faire preuve de persévérance et de résilience
Dans le secret de son cœur, Rym Akremi Ben Dhief sait qu’elle a aujourd’hui le privilège de tenir la barre d’un navire pris dans une tempête sans précédent. De quoi se faire une réputation, n’est-ce pas ? Seulement, rien ne transparaît sur son visage ; toujours le même sourire, les mêmes va-et-vient entre le four et le moulin.
Une montée spectaculaire en compétences qui se poursuit pour elle depuis plus de deux décennies ; mais est-ce la règle ? Nous l’interrogeons sur ce qu’elle a constaté au cours de son expérience à propos d’une dimension genre dans la montée en compétences. « Si l’opportunité est donnée aux femmes, leur montée en compétences peut être spectaculaire car elles apprennent vite et se fixent elles-mêmes des challenges. Leurs qualités de persévérance, d’auto-motivation et de multitâche leurs facilitent la progression », nous répond-t-elle.
Et quand nous lui demandons si les femmes patronnes doivent absolument appartenir à un réseau pour faire de grands progrès, elle n’hésite pas à nous confier que c’est justement du point de vue de réseautage que les hommes dépassent les femmes et qu’ils accèdent à de grosses responsabilités. Selon elle, en général, les femmes n’ont tout simplement pas le temps de se consacrer au réseautage à cause de leurs nombreuses responsabilités en famille. Mais elle insiste sur l’impératif qu’elles doivent vraiment s’y engager ; travailler à l’accès à différents réseaux, s’entraider, se « vendre » les unes les autres…
Rym Akremi Ben Dhief regrette qu’il persiste, malheureusement, une forme d’antiféminisme en Tunisie ! De son côté, elle nous dit qu’elle a eu la chance de travailler avec des hommes qui croyaient en elle mais elle a vu l’attitude d’autres qui peuvent aller jusqu’aux « combines » pour entraver leurs consœurs. Elle souligne que, ceci dit, les femmes doivent se battre, identifier les pistes qui leur permettent de progresser, faire preuve de persévérance et de résilience. Un dernier mot d’espièglerie : «Si le gouvernement tunisien était géré par des femmes, les choses auraient évolué sans commune mesure avec ce qui se passe aujourd’hui !»