Impossible à prévoir, la crise sanitaire mondiale, avec le confinement et la distanciation sociale qui en ont découlé, a engendré de grands bouleversements. Ceux-ci ont impacté différemment les entreprises.
Pour essayer de comprendre l’impact que cette crise a eu sur les entreprises tunisiennes, nous avons interrogé 6 brillantes femmes entrepreneures: les lauréates de l’édition 2020 des Trophées de Femmes Entrepreneures de Tunisie organisée par le magazine le Manager. Et nous leur avons posé une question simple: quel était l’impact du Covid sur vos entreprises ?
Dans cette première partie, d’une série de deux articles, nous allons découvrir les réponses de trois d’entre-elles: Zohra Gadès, fondatrice de MathUnivers; Anissa Meddeb, fondatrice d’Anissa Aida et Lamia Amri, fondatrice d’EcoM.
Une crise pas comme les autres
Pour Zohra Gadès, le confinement était une période difficile, non pas parce qu’elle a peiné à vendre. Bien au contraire: la fondatrice de MathUnivers a su saisir l’opportunité du confinement pour recruter un grand nombre d’utilisateurs payants. “Grâce à ce boom, nous disposons de suffisamment de fonds de roulement pour couvrir le reste de l’année”, a-t-elle indiqué au magazine le Manager. Mais ce boom avait une face sombre: “La croissance rapide du nombre des étudiants accompagnée par l’incapacité à recruter à cause du confinement ont fait que nous avons dû souffrir pour pouvoir offrir à nos étudiants un service de qualité”.
Pour Anissa Meddeb, la période du confinement a signalé un arrêt total de la production. “L’atelier a été fermé pendant deux mois”, a-t-elle indiqué lors d’un entretien téléphonique. Pis encore, la fermeture des boutiques a aussi signifié un arrêt de toute activité de commercialisation y compris à travers le site web de Anissa Aida. “Même les promotions et la livraison gratuite à domicile ne sont pas parvenues à attirer les consommateurs”, a souligné Meddeb. Selon elle, “les gens n’avaient pas vraiment besoin d’acheter de nouveaux vêtements pour rester chez eux”. Mais la jeune créatrice n’a certainement pas chômé durant ces longues semaines de quarantaine généralisée: “J’ai continuer à travailler sur de nouvelles collections”, a-t-elle assuré.
Pour Lamia Amri, en revanche, la crise a frappé de plein fouet. “Le confinement a coïncidé avec ce qui devrait être la période de pic de nos activités”, a-t-elle indiqué au magazine le Manager. “C’est au mois de mars que nous avions l’habitude de collecter les plantes que nous utilisons pour la fabrication de nos huiles essentielles”, a-t-elle expliqué. Toutefois, à cause du confinement, tout ce travail a dû être retardé de deux mois. Pis encore, les clients européens de la jeune entreprise ont dû faire face aux répercussions négatives de la crise sanitaire. Pour sauver son entreprise, Amri n’avait donc de solution que de vendre à des entreprises locales. Ce n’est pas la solution optimale. “Nous avons dû vendre nos produits à perte”, a déploré l’entrepreneure. Pis encore, les autorités régionales, censées l’aider à surmonter cette crise, ont rendu la tâche encore plus difficile. Le Conseil régional avait exigé le paiement du loyer d’un bâtiment qu’elle occupait dans les 4 jours suivants, raconte Amri. Le montant dû ? 22 mille dinars ! La jeune entrepreneure a donc dû s’endetter pour pouvoir sauver son entreprise. “J’espère que les prochains mois seront meilleurs”, a-t-elle soupiré.
L’après-crise
Pour Amri, la relance ne sera pas facile. “Nos clients européens ne sont pas pressés à acheter de la matière première”, nous a-t-elle confié. “Grâce au soutien de leurs gouvernements, ils peuvent se permettre d’attendre jusqu’à la prochaine saison pour reprendre leur activité”, a-t-elle expliqué. “Nous n’avons pas ce luxe”, a-t-elle ajouté. Selon Amri, l’appui promis par les autorités ne s’est pas matérialisé. Même son de cloche chez Anissa Meddeb qui, elle aussi, n’a pas pu profiter des différentes mesures annoncées par le gouvernement. La jeune créatrice a en revanche pu bénéficier d’une bourse de la part du programme Minassa, qui lui a donné les moyens nécessaires pour assurer son retour en activité. Meddeb a pu aussi profiter d’un coup de chance: des bavettes qu’elle a conçues durant son downtime du confinement a eu un grand succès et a pu les commercialiser, en grand nombre, en Tunisie, mais aussi en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis ! La marque de prêt-à-porter a aussi pu bénéficier d’un grand engouement de la part des consommateurs qui, après des mois de confinement, avaient l’envie d’étoffer leurs garde-robes. De son côté, Zohra Gadès se prépare déjà pour la prochaine rentrée scolaire avec le lancement d’une nouvelle version de sa plateforme. Développement entièrement en interne, cette nouvelle version va lui permettre d’améliorer encore plus l’expérience client et d’offrir de nouvelles fonctionnalités.
L’accompagnement qui leur a été offert par Le Manager dans le cadre des Trophées des Femmes Entrepreneures de Tunisie leur a été bénéfique, selon leur dires. Accompagnées par l’accélérateur RedStart, ces entrepreneures sont tout de même parvenues à atténuer les effets de la crise. Pour Zohra Gadès, l’accompagnement par les experts de RedStart lui a permis de perfectionner la gestion financière de son projet. Quant à Anissa Meddeb, le programme a été l’occasion de participer à plusieurs évènements de networking qui lui ont permis de tisser de nouveaux liens avec des entrepreneurs mais aussi des institutions financières, susceptibles de se développer, prochainement, en de nouveaux partenariats.