Passé l’état de sidération provoqué par la pandémie du Covid-19 est venu le temps de la reconstruction. Et si le monde d’après permettrait une vie digne, saine, prospère et riche d’opportunités pour tous.
Elle est dévastatrice cette crise, mais elle n’a rien d’inhabituel. De tout temps, les pandémies ont joué un rôle majeur dans le façonnement de l’histoire humaine. À l’instar de la peste noire en 1347 et la grippe espagnole en 1918, la pandémie de COVID-19 a entraîné des changements fondamentaux et irréversibles dans nos vies et nos sociétés. Ses impacts socio-économiques semblent aujourd’hui plus prononcés en raison de l’interdépendance mondiale, notamment des capitaux, des biens, des services et des matières premières, ainsi que de la mobilité humaine et de l’importance des flux d’information sans précédent. Autre similitude, toutes les pandémies nous donnent de précieuses leçons d’adaptation et de résilience – à bon entendeur, salut !
La pandémie : un multiplicateur de fragilité
Les actions prioritaires pour lutter contre la pandémie ont été, à juste titre, de surmonter les impacts à court terme. Des mesures d’urgence sanitaire et de relance économique rapide ont été mises en place. Elles visaient principalement à assurer la solvabilité et à pallier les brusques pertes de revenus, de peur de tomber dans la précarité. De par le monde, certains exemples de la riposte sociale à la pandémie sont encourageants et méritent d‘être cités. Il y a beaucoup à dire de la Tunisie, peut-être dans une autre occasion. Il s’agit notamment de la croissance des groupes d’entraide, du financement participatif et de l’innovation sociale. Plus que jamais, de nombreuses entreprises ont été socialement responsables en octroyant des dons en numéraires ou en espèces ou en changeant de production pour fournir des masques, des désinfectants, des équipements de protection individuelle et d’autres articles indispensables. Toutefois, la pandémie a révélé de graves faiblesses dans les systèmes de santé et de protection sociale. Les défis sont manifestement plus importants dans les pays en voie de développement avec le risque de voir des millions de personnes retomber dans la trappe de la pauvreté. La pandémie agit de ce fait comme un multiplicateur de vulnérabilités et d’inégalités. Comme l’a confirmé la Vice-Secrétaire Générale de l’Organisation des Nations unies dans son discours du 3 mai : «Nous avons une urgence sanitaire, une urgence humanitaire et maintenant une urgence de développement. Ces urgences aggravent les inégalités existantes. La pandémie du COVID-19 expose les faiblesses et les inégalités de nos sociétés ». Et ce, principalement parmi les groupes marginalisés et les communautés à faible revenu qui sont durement touchés.
Une reprise plus inclusive et plus verte
Alors que les États, les sociétés et les entreprises commencent à formuler leurs stratégies de relèvement, d’autres sont plutôt dans l’évaluation de leurs pratiques de « statu quo ou de business as usual ». Ils identifient ce qui vaut la peine de maintenir et ce qui nécessitera une transformation radicale pour réduire les vulnérabilités, les risques et augmenter la résilience face aux chocs futurs. Ils recherchent également de nouveaux partenariats et alliances stratégiques pour mieux se reconstruire. Au-delà de simplement remettre rapidement sur pied les économies, il s’agit d’utiliser le post-COVID-19 comme une opportunité pour faire des choix stratégiques plus verts, plus inclusifs et plus justes, afin d’accélérer et d’élargir l’impact du développement. Des progrès importants ont été accomplis pour lancer et soutenir des plans de relance « responsables ». Cependant, pour que cette nouvelle approche puisse mener à des changements concrets, il faudra une action ambitieuse, globale et coordonnée de la part de toutes les parties prenantes clés – c.à.d. un cadre commun.
Et si la solution était dans les Objectifs de Développement Durable ?
L’Agenda 2030 et ses objectifs mondiaux- ODD- fournissent une feuille de route non seulement pour le développement durable, mais aussi pour une meilleure reconstruction après la pandémie. Adopté en 2015 par 193 États, il incite à des actions transformatrices audacieuses et à des alliances stratégiques. Et ce, pour orienter la croissance vers une voie durable et résiliente équilibrant les dimensions : économique, sociale et environnementale. En effet, les ODD reconnaissent la complexité des défis systémiques. La science a démontré les liens entre les pandémies en général et les systèmes industriels et sociopolitiques actuels causant la dégradation de la nature et des inégalités sociales. La cause initiale du COVID-19 est la transmission d’un virus de l’animal à l’homme. Les raisons seraient liées aux changements dans l’utilisation des terres et des pratiques agricoles, au commerce légal et illégal des espèces sauvages, à la déforestation, à la pauvreté, aux conditions médiocres d’assainissement et au manque d’éducation et de sensibilisation qui ont contribué à créer les conditions optimales pour que la zoonose se développe et devienne tellement néfaste. La pandémie et le confinement qui en ont découlé ont montré que le coût de ces externalités est devenu trop lourd pour continuer à être ignorés. Une reprise verte et inclusive est donc la voie sûre pour un avenir plus résilient. Les plans de relance devraient donc intégrer la triple dimension : économique, environnementale et sociale sans ignorer le secteur informel et les micros et petites entreprises. Le rôle du secteur financier est essentiel pour catalyser ces changements en faisant de l’investissement d’impact la norme (et non l’idéal) et en fournissant des capitaux pour l’innovation et pour la réalisation des ODD. Le PNUD Tunisie vient de présenter avec ses partenaires nationaux une étude sur l’impact économique de COVID-19 en termes de vulnérabilités accrues sur les ménages et les micros et petites entreprises pour enrichir la discussion sur le plan de relèvement tunisien. Les ODD reconnaissent l’importance de l’innovation pour initier un changement transformateur. La réponse à la pandémie a révélé de grands exemples d’innovation sociale et de collaboration. Dans ce sens, les plans post-pandémie devraient renforcer l’écosystème pour soutenir et encourager l’innovation sociale et les solutions locales pour plus de résilience. Un engagement fort en faveur des ODD donnerait légitimité et transparence aux décisions et aux investissements, ou à leur absence, lors de la réponse et de la reprise après la pandémie. Ils apporteraient également des réponses aux préoccupations de légitimité et aux protestations sociales associées aux privations croissantes et à l’instabilité. Le rapport du PNUD sur les Perspectives du Développement Humain 2020 a rapporté que «la pandémie de COVID-19 a déclenché une crise de développement humain. […] Sur certaines dimensions du développement humain, les conditions sont aujourd’hui équivalentes aux niveaux de privation observés pour la dernière fois dans les années 80 ». L’intégration des ODD dans les plans post-pandémie fournirait la logique, la justification et les évidences des choix et des compromis à faire. L’ODD 17 appelle à des partenariats solides aux niveaux mondial, régional, national et local, essentiels à la gestion du changement. Ces partenariats peuvent être dirigés pour surmonter les effets de la pandémie, y compris le soutien aux pays confrontés au double fardeau des chocs sanitaires et financiers. Ces partenariats sont cruciaux pour ralentir la propagation du virus et pour développer un vaccin contre la maladie. Dorénavant, aucun pays n’est à l’abri de la pandémie et de sa récurrence – lorsque la transmission se produit ailleurs. Les partenariats devraient mettre l’accent non seulement sur les mesures préventives, mais aussi sur les améliorations sociales et environnementales. Ces dernières permettent d’accroître le bien-être et la résilience des sociétés touchées, et en particulier des groupes les plus vulnérables, aux perturbations futures coûteuses – qu’elles soient dues au changement climatique, aux maladies, ou à une confluence de ces facteurs ou d’autres. Les ODD sont fondés sur le principe que personne et aucun pays ne doivent être laissés pour compte. La pandémie a mis en évidence de graves tensions « … entre les personnes et la technologie, entre les personnes et la planète, entre les riches et les plus démunis. Ces tensions ont déjà commencé à façonner une nouvelle génération d’inégalités… » (Rapport sur la Perspective du Développement Humain 2020). Comme toujours, les segments les plus vulnérables de la société, en particulier ceux qui vivent dans pauvreté, sont les plus durement touchés. Des stratégies et des réponses ciblées devraient être conçues pour protéger ces groupes en réduisant les risques épidémiologiques pour sauver les vies, en diminuant les inégalités et l’exclusion grâce à des réseaux de sécurité sociale renforcés, en protégeant les moyens de subsistance ; et en assurant l’accumulation de capital humain. La réponse à la crise pourrait façonner et redresser la manière dont ces tensions et inégalités sont traitées.
Le prisme des ODD pour la reprise et au-delà
À ce titre, le prisme des ODD permet de s’attaquer aux causes sous-jacentes. L’érosion de plusieurs acquis des ODD devrait nous inciter à accélérer et à étendre nos efforts au cours de cette « décennie d’action » pour reconstruire mieux. C’est dans ce cadre que le PNUD a mis à jour sa riposte initiale au COVID-19 et appuie ses partenaires au-delà de la reprise vers l’horizon 2030. À cet effet, il a réorienté son plaidoyer, ses conseils stratégiques et son assistance technique, la mobilisation de financement catalytique et son soutien au développement des capacités pour aider les décideurs et les sociétés qu’ils représentent à faire les choix appropriés en fonction de leurs priorités nationales et à gérer la complexité et l’incertitude dans quatre domaines principaux, à savoir : la gouvernance et la capacité de transformation, la protection sociale, l’économie verte et la digitalisation. Cette offre est en ligne avec son rôle de chef de file technique pour la réponse socioéconomique des Nations Unies au COVID-19. C’est suivant ces orientations stratégiques et en ligne avec les priorités nationales, que le PNUD Tunisie accompagne le gouvernement et les différents acteurs de la société tunisienne pour récupérer et reconstruire en mieux et orienter leurs initiatives pour saisir les opportunités et atteindre les ODD.