L’évaluation des besoins des entreprises, notamment les PME et les TPE, face à la crise et l’impact du Covid sur le secteur bancaire et financier tunisien ont été l’objet d’une étude présentée aujourd’hui.
Cette étude est le fruit d’une collaboration entre l’Association Professionnelle Tunisienne des Banques et des Établissements Financiers et Tunisia JOBS, programme américain de soutien à la création d’emplois dans le secteur privé, avec l’appui de la Banque Centrale de Tunisie.
L’enquête, menée entre mi-mai et fin juin 2020, a vu la participation de 3000 entreprises dont 2451 qui ont vu leurs réponses retenues pour l’étude.
Pour Inès Allouche, chef d’équipe Tunisia Jobs Access to Finance, cette étude a pour mission de mettre sous les feux des projecteurs l’impact de la crise sur les entreprises tunisiennes. Pour sa part, Peter Riley, directeur de mission à l’USAid, a indiqué que cette étude fait partie des actions entamées par le programme visant à soutenir l’économie tunisienne.
Habib Belhaj Kouider, président de l’APTBEF, a rappelé dans son discours l’importance de changer de modèle. “La crise nous a rappelé l’importance de mettre l’humain au centre de la croissance économique”, a-t-il souligné dans son allocution. “Nous vivons dans une situation anormale qui n’a pas eu lieu de se poursuivre après la crise”, a-t-il ajouté.
Même son de cloche chez Marouan Abassi, gouverneur de la Banque Centrale, qui a souligné l’importance de mettre l’Homme au centre de la croissance économique indiquant qu’en Tunisie, “la croissance n’a pas été suffisamment inclusive”. En ce qui concerne la crise, le gouverneur a souligné l’importance de sortir de cette crise “sans des banques impactées”.
Quelle capacité de reprise pour les entreprises tunisiennes ?
Si les banques ont tiré leur épingle du jeu, nombreuses sont les entreprises qui ont souffert durant cette crise. C’est ce qu’a révélé l’étude en question dont les résultats ont été présentés par Ines Allouche et Amine Rachid, expert banking à Tunisia Jobs.
Et bien que l’impact du Covid-19 sur le chiffre d’affaires varie d’une entreprise à une autre, la baisse n’a épargné aucun secteur d’activité. Néanmoins, l’activité la plus touchée avec une baisse du chiffre d’affaires supérieure à 80% a été celle du tourisme, suivi par la communication et les médias à près de 60%, le BTP et l’immobilier avec 54% des entreprises.
Le commerce et la distribution ont enregistré un recul de 46%, l’industrie manufacturière de 40% et l’agroalimentaire 41% selon les résultats. Par contre, les secteurs dont les d’entreprises ont enregistré un chiffre d’affaires en recul de moins de 10% sont l’agriculture avec 21% des sondés, le secteur études et conseil avec 16% et l’ICT avec 9%.
Les nouvelles commandes attendues par les entreprises révèlent en fait leur capacité de reprise. Sur la base des données fournies par celles impliquées dans l’enquête, seul un petit nombre d’entre elles a pu revenir à 100% des commandes. La majorité demeure en dessous de 50% des commandes. L’étude a également démontré que la capacité de reprise des secteurs comme l’ICT et l’agroalimentaire est plus importante que d’autres secteurs tels que le BTP et l’agriculture.
Trouver des ressources financières nécessaires pour subvenir aux besoins de son entreprise est le challenge auquel ont été confrontées toutes les entreprises suite à la chute de leur activité. L’enquête a démontré que la capacité d’autofinancement des entreprises en mois d’activité n’a pas dépassé 1 ou 2 mois dans 46% des cas pour atteindre 55% dans le secteur de l’agroalimentaire. Le secteur du commerce et de la distribution affiche par ailleurs 17% de capacité d’autofinancement entre 2 et 3 mois.
Les besoins de financement des entreprises sur 3 mois, selon l’enquête, s’élèvent à plus de 554 MDT. Les secteurs d’activité ayant le plus de ressources financières sont le commerce et la distribution (plus de 145 MDT) et l’industrie manufacturière (plus de 112,5 MDT).
Perception de l’efficacité des mesures gouvernementales
Pour les mesures sociales prises par le gouvernement en faveur des entreprises, la moitié des entreprises interrogées ont été concernées par le plan de prise en charge des salaires, tandis que 79% des entreprises trouvent le report de 3 mois des contributions à la CNSS efficace. Par contre, de nombreuses entreprises travaillant dans les secteurs de la communication, des services financiers et du tourisme estiment « inefficace » la mesure de report des contributions à la CNSS de 3 mois.
Plus de 85% des entreprises jugent efficace la ligne de crédit de soutien de 300 millions de dinars mise en place par le gouvernement. Sur les 15% restantes qui trouvent cette ligne de crédit inefficace, la plus grande proportion se situe dans les secteurs de l’agriculture, de la communication, de l’ICT et du tourisme.
Plus de 90% des entreprises considèrent efficace le fonds de 500 MDT pour la restructuration des entreprises. Par contre, les plus grandes proportions d’entreprises qui trouvent ce fonds inefficace se situent dans les secteurs de l’agroalimentaire, de l’industrie manufacturière et du BTP.
Plus de 87% des entreprises trouvent efficace la décision de report de 6 mois des crédits bancaires. Par ailleurs, la proportion d’entreprises qui trouve cette mesure inefficace se situe plus dans le secteur du tourisme.
Une reprise qui risque de tarder
Sur l’ensemble des entreprises interrogées, 52% ont repris leur activité en juin mais seulement moins de la moitié prévoit un retour à la normale de leur cycle d’exploitation avant fin août. Le pourcentage des entreprises qui reprendront leur activité avant fin juillet atteindra 73%, dont 42% prévoient de retrouver leur cycle complet d’exploitation avant fin septembre. Seulement 11% des entreprises reprendront leur activité à partir du mois d’octobre mais le retour à la normale est attendu à partir du mois de janvier 2021. Quelle que soit la date de reprise, 65% des entreprises auront besoin au moins de 3 mois d’activité avant le retour à la normale de leur cycle d’exploitation qui sera également conditionné par la capacité d’autofinancement et la liquidité dont disposent l’entreprise, les nouvelles commandes et le besoin en financement.
La majorité des entreprises jugent qu’elles ont une capacité managériale et une image de marque acceptables ou exceptionnelles. Par ailleurs, environ 75% des entreprises se montrent optimistes par rapport à l’avenir. De même, environ 75% se considèrent parmi les plus compétitives ou sans concurrents. Environ 75% des entreprises considèrent que le risque de leur chaîne d’approvisionnement est faible ou modéré, tandis que 10% le jugent élevé mais, pour certaines, pouvant être contourné.
L’enquête révèle aussi que les deux tiers des entreprises ont plus de 3 produits, ce qui est de nature à les rendre moins vulnérables en cas de crise. Celles qui ont 2 produits ou moins sont plus vulnérables. En outre, plus de 50% des entreprises ont une concentration sur leurs clients inférieure à 45%, contre environ 40% ayant une concentration supérieure à 45%. L’étude démontre, par ailleurs, que presque 50% des entreprises n’ont pas de Plan de continuité de l’activité (PCA) ou bien est-il peu efficace, voire même non déployé.
Quel impact de la crise sur le risque crédit ?
L’enquête démontre aussi que le score du risque-crédit par secteur d’activité est variable selon les régions. Par exemple, les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire ont un meilleur score dans les agglomérations de Tunis, Sfax et Sousse par rapport à leur score au niveau national. Le BTP a, en revanche, un score inférieur dans les trois agglomérations par rapport au score national.
On constate, en outre, que l’agriculture et l’agroalimentaire ont gagné des points au niveau du score du risque-crédit pendant la crise du Covid-19 par rapport à d’autres secteurs d’activité. En contrepartie, le tourisme a perdu beaucoup de points pour se retrouver désormais en dernière position.