L’année 2019 a été mitigée pour la Banque de Tunisie. Dans un rapport publié ce matin, Tunisie Valeurs indique que la doyenne des banques tunisiennes a rattrapé la dégradation de sa rentabilité subie en 2019 sur fond d’accalmie au niveau de son coût du risque.
Le constat est tout autre au niveau de l’activité d’exploitation qui a affiché un bilan contrasté : une activité du crédit qui fait du surplace et une progression du PNB attribuable quasiment à la seule composante de la marge d’intérêt.
Les investisseurs ont été confortés par la clôture, au début de l’année, à hauteur de 77% de l’augmentation de capital de Carthage Cement, cimenterie publique en difficulté pour laquelle la BT constitue la principale banque créancière. Malgré le mouvement de panique qui a été déclenché sur le marché actions par la crise sanitaire de la COVID-19 et l’annonce de la volonté de la BCT de surseoir à toute distribution de dividendes par les banques, la BT a résisté tant bien que mal en bourse, affichant une contre-performance annuelle de -6% (contre un repli moyen de 11% pour le secteur coté).
Le spectre de la récession en 2020 généré par la crise du COVID-19 et les mesures de soutien aux entreprises et aux ménages devraient immanquablement impacter les banques en 2020. Mais, vu la gestion rigoureuse de la BT, sa bonne culture de risque et la diversification saine de son portefeuille des crédits, la banque est bien outillée pour résister à la crise actuelle. Nous recommandons de conserver le titre.
L’activité de la collecte a fait preuve de résistance. L’encours de dépôts de la banque a signé une croissance de 7,5%, dépassant la barre de 4 milliards de dinars. Cette bonne performance a été dopée par les dépôts à terme (+15% à 1,5 milliard de dinars) et les dépôts d’épargne (+8% à 1,3 milliard de dinars). L’orientation vers les ressources rémunérées s’est faite ressentir sur le coût de ressources de la BT qui a augmenté de 0,55 point de taux à 5,2%, selon nos estimations (légèrement meilleur que la concurrence, 5,43%). Contrairement à la collecte, l’activité des crédits a affiché une stagnation en 2019. Privilégiant ainsi la prudence à la croissance, le volume des engagements de la banque a fait du quasi surplace à 4,5 milliards de dinars.
Par conséquent, le ratio de transformation réglementaire de la BT s’est rétracté de 12,8 points de pourcentage à 110,6%, contre un plafond de 120%, en 2019. La qualité du portefeuille de la BT a quasiment stagné sur l’année. Alors que son taux des créances classées a augmenté de 0,8 point de pourcentage à 9,5%, le taux de couverture a progressé de 1,1 point de pourcentage à 61,7%. La dégradation du taux des créances classées est principalement due au risque Carthage Cement qui concentre, désormais, environ le quart des engagements classés de la banque (soit environ 147 MDt). Le management reste, cependant, confiant sur le moyen terme dans la capacité de la banque à recouvrir ses créances envers la cimenterie publique et opérer des reprises sur provisions, suite à l’opération de recapitalisation du cimentier.
La croissance du PNB a nettement ralenti la cadence en 2019. Les revenus de la banque ont évolué de 10,2% à 361 MDt, contre une progression moyenne de 18% sur la période 2016-2018. C’est la marge d’intérêt qui a substantiellement tiré la croissance du PNB. Cette dernière s’est hissée de 18% à 217,6 MDt. Les autres sources de PNB ont quasiment marqué le pas sur l’année (des commissions en hausse de 1,7% seulement à 57,2 MDt et une baisse des autres revenus de 0,8% à 86,3 MDt).
La banque est parvenue à préserver sa productivité. Avec une croissance des frais généraux limitée à 10%, le coefficient d’exploitation a stagné à 31,7%. La BT reste, de ce fait, la banque la plus productive du secteur coté. La baisse notable du coût du risque a été l’évènement majeur de l’année 2019. L’enveloppe des dotations aux provisions sur les créances a chuté de 41,2% à 36,1 MDt, profitant d’opérations de reprise sur provisions pour un montant de 42 MDt faites principalement sur des créances hôtelières. La baisse du coût du risque a permis de libérer la croissance bénéficiaire. Le résultat net de la banque a bondi de 18% à 135,3 MDt, profitant d’un effet base favorable.
Grâce à la solide croissance des résultats et à la politique de maîtrise des risques, la BT a pu consolider son assise financière. Le ratio de solvabilité global a été porté à 16,8%, à fin 2019 contre 13,9% au terme de 2018. La banque dispose, ainsi, d’une marge considérable par rapport au minimum réglementaire de 10% et pour revigorer sa politique commerciale dans les prochaines années.
Au niveau consolidé, la croissance des bénéfices s’est établie à 12% à 134,5 MDt. Avec un ROE consolidé de 18,3% fin 2019, la BT se situe au milieu du tableau du secteur bancaire coté.
L’avènement de la crise sanitaire du COVID-19 a abaissé d’un cran les perspectives du secteur bancaire sur les deux prochains exercices. La baisse du taux directeur et la dégradation de la conjoncture économique imposent de nouvelles contraintes au secteur bancaire. Malgré l’assouplissement de la réglementation prudentielle (notamment des exigences du ratio de transformation réglementaire et du traitement des créances classées) et de la politique de refinancement et les mesures de relance instituées par le Gouvernement, le secteur bancaire devrait, à notre sens, subir une triple peine sur les deux prochains exercices: 1) un ralentissement de la distribution des crédits, 2) un relâchement de la croissance du PNB impacté par des volumes baissiers et l’effet prix négatif de la baisse des taux sur la marge d’intérêt et 3) une dégradation de la qualité du portefeuille.
Les effets de tendances précitées devraient toucher, dans un premier lieu, la trésorerie des banques (en 2020) avant d’affecter la rentabilité à partir de 2021 surtout si les mesures exceptionnelles (décidées en 2020) relatives au traitement des créances classées sont levées.
À notre avis, la BT est une banque suffisamment armée pour s’accommoder avec les nouvelles contraintes de la crise actuelle. La banque devrait capitaliser sur ses atouts pour surmonter la morosité ambiante: 1) une assise financière solide et un niveau de solvabilité des plus confortables du secteur (ratio de solvabilité de 16,8% en 2019), 2) une productivité à la pointe du secteur avec un coefficient d’exploitation de 31,7% fin 2019 contre une moyenne estimée de 46% pour la concurrence cotée, 3) une politique de crédit historiquement sélective et un système rigoureux de pilotage des risques.
Côté chiffres, nous nous attendons à deux exercices successifs de baisse des résultats sur fond de quasi-stagnation du PNB et d’augmentation du coût du risque. – En 2020: Le PNB devrait significativement décélérer sa croissance. Celle-ci devrait s’établir à 2% contre une moyenne de 15,3% sur la période 2016-2019. Quant au résultat net part du groupe, il devrait glisser de 7,5% à 124,4 MDt contre une progression moyenne de 7,3% sur l’intervalle 2016-2019. – En 2021: Le PNB devrait continuer à croître à un taux annuel de 2% à 378 MDt. Le résultat net part du groupe accuserait une baisse de 7,3% à 115,3 MDt ▪ Sur le plan stratégique, le management a annoncé que la BT est bien préparée à la migration vers les normes IFRS. Ces ratios prudentiels sont confortables et lui laissent une marge de manœuvre pour absorber les surcoûts de l’adoption du nouveau référentiel comptable.