Comme attendu, la Banque Centrale de Tunisie a suspendu la distribution de dividendes au titre de l’exercice 2019 pour les établissements bancaires et financiers. La liste comprend ainsi les banques universelles, d’affaires et offshores, les compagnies de leasing et les établissements de factoring. Au total, c’est 37 entités qui vont devoir priver leurs actionnaires de rémunération cette année.
Les montants en jeu ne sont pas négligeables. Nous disposons de l’essentiel des chiffres de 2019. Les banques cotées à la Bourse de Tunis ont distribué 361,635 millions de dinars au titre des bénéfices de 2018, contre 25,899 millions de dinars par les compagnies de leasing. Grâce aux chiffres de l’APBT, nous disposons de tous les chiffres de 2018 : 382,245 millions de dinars ont été versés par tous les établissements en question. Au vu des performances de 2019, c’est au moins 400 millions de dinars de bénéfices potentiellement offerts qui se sont évaporés.
Cette décision, bien qu’elle porte préjudice aux intérêts des actionnaires à court terme, permet de préserver la trésorerie de ces établissements. Il n’est pas cohérent d’aller rechercher du refinancement et demander un assouplissement réglementaire auprès de la BCT alors que ces montants quittent les fonds propres. Nous savons tous que les banques sont sous capitalisées même par rapport à une réglementation moyennement exigeante. Les compagnies de leasing sont encore plus fragiles et n’ont jamais pu récupérer les niveaux de profitabilité d’avant 2011.
La dégradation du contexte économique va se matérialiser par une flambée des prêts non performants et donc du coût du risque. Les résultats 2020 seront soumis à une pression inédite. De plus, la suspension de l’encaissement des échéances de crédits attribués aux particuliers, pour une période de trois mois, n’est pas négligeable en termes de trésorerie. Les départements de Gestion Actif-Passif doivent être fortement sollicités en cette période.
Autre aspect important : la BCT a interdit ainsi la sortie d’au moins 120 millions de dinars de dividendes à l’étranger selon nos calculs. Même si certains pensent que ces mesures vont à l’encontre du principe du libre accès de l’investisseur étranger à son argent, le contexte actuel a tout changé. Tous les pays ont adopté ces mesures car la santé du système financier est le seul moyen pour donner une chance de reprise pour l’économie mondiale.