Alors que les marchés souffraient de l’événement inattendu du Coronavirus, la panique s’est définitivement installée avec un krach pétrolier.
En apparence, il s’agit d’une guerre de prix déclenchée par les saoudiens qui ont proposé une réduction de l’offre par les pays membres de l’alliance OPEP+ afin de mieux contrôler les prix. La Russie avait rejeté cette proposition, considérant que cette démarche ne fera que subventionner l’industrie américaine du schiste. Face à cet échec, la réplique de l’Arabie Saoudite n’a pas tardé : augmenter la production d’Aramco à 12,3 millions de barils/jour et baisser les prix de 6 à 8 $ le baril. Certes, le Royaume dispose de capacités additionnelles de production, mais atteindre rapidement le chiffre annoncé n’est pas si évident. Cela va nécessiter des investissements supplémentaires ainsi qu’une nouvelle gestion des stocks. Une flexibilité qui vise à rappeler à tout le monde que les saoudiens ont toujours les moyens de dicter leur loi en la matière et qu’ils demeurent toujours bénéficiaires avec un coût d’extraction à un seul chiffre.
Mais il y a certainement d’autres objectifs derrière cette manœuvre qui n’est pas sans conséquence pour le Royaume.
Le premier est de freiner les investissements en schiste qui ont permis aux américains de se hisser au rang du premier producteur mondial de pétrole. Garder un niveau bas de prix pourrait donc s’avérer une bonne stratégie à long terme. Il est encore tôt de se prononcer sur la viabilité de la démarche car il faut voir l’ampleur des mesures fiscales prises par Trump en faveur du secteur. C’est une question très politique quelques mois seulement avant le coup d’envoi de la course vers la Maison Blanche.
Le second est de montrer, concrètement, aux opérateurs économiques du monde entier ce qu’impliquerait une transition énergétique rapide. Plusieurs vont maintenant repenser leur position et revoir leur agenda de conversion vers une économie verte. Des prix durablement bas pourraient réduire la demande des voitures électriques et diminuer l’attractivité des mesures d’efficacité énergétique. Il y a déjà l’exemple de l’énergie éolienne, dont le coût de production a chuté, ce qui a conduit à de moindres subventions par plusieurs gouvernements ces dernières années.
Le troisième est de pousser les producteurs à repenser leurs stratégies d’investissement et d’expansion. Avec un prix de baril aussi faible, il serait difficile aux autres producteurs d’investir, réduisant ainsi l’offre à moyen terme.
Au vu de ces trois facteurs, nous sommes donc bien partis pour une période d’hésitation parmi les investisseurs. D’ailleurs, ces derniers ne peuvent plus considérer Aramco comme une compagnie indépendante, comme elle a été marketée lors de son IPO. Elle va payer cher dans sa valorisation.