En période de crise économique et de hausse des taux, les entreprises peuvent se retrouver dans l’incapacité de respecter leurs engagements vis-à-vis des banques. L’une des solutions qui peuvent être envisagées est la conversion de la dette en actions, ou debt-to-equity swap dans le jargon anglo-saxon. Une démarche qui semble effectivement séduire ces derniers mois avec l’opération Carthage Cement et celle d’Elbene Industrie. Pour ceux qui y pensent, il faut savoir que c’est loin d’être une approche sans problèmes. L’avantage en faveur de ces opérations est qu’elles permettent à la société de se libérer, partiellement, du fardeau de la dette et des charges financières, améliorant ainsi son free cash-flow. Pour la banque, ses chances pour récupérer sa dette deviennent plus concrètes même si le chemin est plus long. Cela passe, dans un premier temps, par la récupération de dividendes avant de céder l’ensemble de la participation et réaliser une plus-value importante. D’ailleurs, tout établissement financier qui procède à ce genre d’opérations ne le fait que dans une perspective de cession. Le prêteur ne passe à la conversion que si sa chance de récupérer autrement son argent est nulle et qu’elle présente une certaine opportunité financière. Mais pour les actionnaires historiques, convertir signifie accepter une dilution de leurs participations. Lorsqu’il y a des minoritaires, comme le cas des sociétés cotées, ce n’est pas évident de leur faire avaler la pilule. D’ailleurs, dans le cas d’Elbene, l’actionnariat était quasiment totalement institutionnel alors que pour Carthage Cement, c’est plutôt la seule possibilité pour débloquer la situation. Les conséquences de point de vue managérial sont à tenir en compte. L’emprunteur va changer de statut et devrait, logiquement, s’impliquer dans la gestion courante et stratégique de l’entreprise. Si le prêteur s’est retrouvé dans une situation qui l’a poussé à solliciter la conversion, c’est qu’il y a eu des erreurs. Cette intervention devrait mettre l’accent sur la rentabilité à court terme qui peut ne pas convenir à une équipe dirigeante qui vise plutôt le long terme. Des questions comme le développement d’une culture de l’entreprise, la communication, les stratégies RH sont mises de côté. La priorité est donnée à la réduction des coûts. Or, ces aspects sont importants car ils permettent de garder les meilleures compétences et d’attirer des talents nécessaires pour assurer le recovery. Pour pallier à ces problèmes, la tendance est plutôt l’attribution, au prêteur, d’un droit de regard dans l’administration de la société à travers la présence d’observateurs au sein de ses organes de gestion. En contrepartie de cette marge de manœuvre opérationnelle importante octroyée au management historique, le bailleur de fonds dispose d’un droit de veto sur certains types de décisions sensibles et touchant à des investissements importants. Dans tous les cas, meilleur que de cohabiter avec un banquier car la finance et le management ne sont pas toujours en phase.