Invité par l’Association des Tunisiens des Grandes Ecoles (ATUGE), le ministre des Finances, Ridha Chalghoum, a été interpellé sur plusieurs problématiques économiques, comme nous l’avions vu dans un précédent article. Son intervention était aussi l’occasion de dresser un état des lieux de la conjoncture tunisienne.
Pour le ministre, il est clair que la situation économique était meilleure en 2010. Néanmoins, même si des efforts ont été déployés en vue de faire face à la crise de 2008, ces derniers n’ont pas permis de réaliser une meilleure croissance économique. “Pour créer de l’emploi, la part de l’investissement dans le budget de l’Etat doit être égale à 30%. La croissance, pour sa part, doit atteindre 7%”, a-t-il noté.
Les grands chantiers de l’après 2011
Après 2011, un changement s’imposait dans l’économie tunisienne, mais chaque partie prenante au débat avait une vision, d’autant plus que la Tunisie a fait face à un contexte social très difficile, marqué par des grèves et des mouvements sociaux. “L’Etat a payé des millions de dinars pour conserver la paix sociale. Il y a eu, dans ce contexte, plus de 200 000 recrutements dans la fonction publique. La masse salariale est passée de 7 milliards de dinars en 2010 à 19 milliards de dinars actuellement”, a-t-il regretté.
D’un autre côté, la conjoncture, durant l’après 2011, a été marquée par la faiblesse de l’Etat, ce qui a impacté l’exécution de plusieurs projets et affecté plusieurs secteurs. “Nous avons commencé à nous endetter en devises pour combler les besoins de l’Etat, ce qui a conduit à l’aggravation du déficit. Les investissements étrangers n’étaient pas nombreux. Dans ce même contexte, la valeur du dinar a dégringolé”, a-t-il rappelé.
Actuellement, la part des investissements dans le budget de l’Etat est encore loin des 30% requis : 18,5%. L’épargne nationale, pour sa part, a atteint 8,5% selon Ridha Chalghoum, alors qu’elle était à 21%. Face à tout cela, la capacité d’investissement était faible. Tant d’éléments qui, poursuit-il, ont conduit à une croissance économique faible.
Une amélioration en 2017, mais d’autres efforts sont requis
2017 a marqué un nouveau départ pour la Tunisie, étant donné que de nouvelles mesures ont été prises. Il s’agissait, aussi, de respecter les engagements de la Tunisie vis-à-vis du FMI (Fonds Monétaire International). “Dans cette situation, nous avons besoin de partis politiques forts et d’une société civile forte qui soient conscients de la gravité de la situation et qui comprennent, par exemple, qu’il faut geler les recrutements dans la fonction publique”, a-t-il encore dit. D’où la mise en place des objectifs à moyen terme, notamment en ce qui concerne le déficit (3% du PIB en 2020 et 2% en 2022).
Autre point abordé par le ministre des Finances : la situation des entreprises publiques. Elles doivent être réformées et restructurées afin de relancer l’économie. Ainsi, il sera possible de les préserver pour les générations futures. “Si on doit revendre une partie des entreprises publiques, l’argent devrait servir aux générations futures. On ne peut plus travailler avec un statut quo !”, a assuré Ridha Chalghoum.
Une fiscalité optimisée
Tant d’éléments sur lesquels le prochain gouvernement devrait se focaliser selon le ministre. En ce qui concerne la fiscalité, celle-ci, poursuit-il constitue l’un des éléments clés pour une éventuelle sortie de crise. C’était, d’ailleurs, le cas en 1986, lorsque la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) a été introduite.
“Les défis, aujourd’hui, sont nombreux. Notre économie évolue dans un environnement mondialisé. C’est une tendance qu’il faut suivre. Il faut, aussi, suivre les évolutions en matière de transparence fiscale à l’étranger et travailler, dans cette même optique, sur l’échange des données et l’optimisation fiscale. Sur ce plan, le travail de l’administration doit être amélioré à travers des contrôles plus efficaces. Pour chaque projet, les objectifs doivent être fixés. Il faut, par la suite, faire le suivi. C’est la culture qu’il faut mettre en place”, a conclu Ridha Chalghoum.