L’incubateur Afkar, en partenariat avec la GIZ, a donné ce matin le coup d’envoi d’une nouvelle initiative, Diaspora for Development. Le lancement a été annoncé lors de la conférence Tunisian Diaspora of Startups organisée par la boîte de conseil TCE (Training & Consulting for Entrepreneurship) et le projet ProGres Migration.
Il s’agit d’un programme d’accompagnement pour les Tunisiens résidant à l’étranger souhaitant investir en Tunisie. “Nous organiserons des rencontres avec la diaspora pour leur présenter les opportunités d’investissement en Tunisie”, a indiqué Walid Hached d’Afkar. Intervenant lors d’une conférence tenue ce matin à l’occasion du lancement officiel de cette initiative, Hached a indiqué que Diaspora for Development vise à toucher pas moins de mille Tunisiens au cours de ces rencontres.
Ceux souhaitant lancer des projets en Tunisie profiteraient d’un accompagnement de 6 mois et d’un financement de 30 mille euros. “Nous voulons donner une opportunité de soft landing pour les tunisiens qui souhaitent revenir dans leur pays”, a-t-il souligné.
La Tunisie aime-t-elle sa diaspora ?
La participation de la diaspora dans le développement économique du pays est un axe important que l’État doit y mettre tous les moyens nécessaires et établir une stratégie pour le développer. Seul hic : la Tunisie ne dispose pas de suffisamment d’informations nécessaires sur ses ressortissants à l’étranger pour élaborer une stratégie efficace, a noté Samir Bouzidi, expert en mobilisation des diasporas africaines. Et d’ajouter : “Ce manque de données est un phénomène qui touche beaucoup d’autres pays du continent”.
De son côté, Sophie Gombart, ingénieure experte en innovation, a fait noter que le manque d’informations est réciproque de la part des Tunisiens qui ont quitté leur pays. “Ces migrants gardent l’image du pays comme il l’était à leur départ et ce n’est pas en le visitant durant l’été qu’ils vont changer de perception”. Pour changer cela, il est important de déployer un plus grand effort de communication.
Nous savons pourtant que ces Tunisiens, dont le nombre dépasse le 1.5 million, contribuent à hauteur de 2 millions d’euros de transferts annuels en devise. “Si on tient en compte les canaux informels, ce chiffre peut atteindre les 4 millions d’euros annuellement”, a déclaré Bouzidi. De son côté, Leila Baghdadi, professeur en économie à la Tunis Business School, a noté que ce volume dépasse les investissements directs étrangers !
Et pourtant, le gouvernement ne semble pas se soucier de la mise en place d’un cadre réglementaire favorable aux TRE. Par exemple, “le corridor de transfert d’argent entre la France et la Tunisie est 30% plus cher que le Maroc”, a souligné Samir Bouzidi.
Jihen Ben Romdhane, de la FIPA, a reconnu l’absence d’un cadre incitatif dédié aux Tunisiens résidant à l’étranger. “Nous organisons des rencontres avec les membres de la diaspora pour leur présenter les opportunités d’investissement dans le pays”, a indiqué Ben Romdhane. “En Tunisie, on chouchoute les investisseurs étrangers mais on oublie les Tunisiens de l’étranger qui ont un grand potentiel”, a déploré Sophie Gombart. Selon elle, l’apport de ces Tunisiens peut aller au-delà des aspects financiers puisqu’ils peuvent offrir du mentorat, mettre à disposition leur réseau, … “Les Tunisiens de l’étranger ont le choix d’investir partout dans le monde, à commencer par leur pays hôte”, a noté Samir Bouzidi. Pour les convaincre de l’intérêt d’investir en Tunisie, il est nécessaire de déployer un effort de communication et de persuasion.
Remédier à une situation de marginalisation qui a duré pendant des décennies ne sera certainement pas facile. Cependant, il est existe des mesures qu’il serait possible d’implémenter rapidement.
À titre d’exemple, Leila Baghdadi propose la mise en place de compte d’épargne-investissement en devise pour les TRE offrant une alternative attractive aux taux d’intérêt faibles, voir négatifs, pratiqués dans l’ensemble de l’Europe. Baghdadi appelle également à une plus grande participation de la société civile dans la mise en place de mécanismes de crowdfunding permettant aux TRE d’investir dans des projets de développement dans leurs communautés. L’experte a aussi mis l’exergue sur l’importance de la mise en place de fonds d’investissements dédiés aux startups de la diaspora. Sophie Gombart a noté dans ce cadre que de tels fonds existent partout en Afrique et sont de vecteurs importants de développement de l’écosystème entrepreneurial dans plusieurs pays du continent.