Entre le besoin de connaître les priorités et les motivations de ses collaborateurs et reconnaître les siens, un manager fait face à un enjeu déterminant pour l’avenir de son entreprise. Sur les bienfaits et les difficultés de l’accompagnement et du coaching, la managing director d’Excellia, Inès Bouharb, a dévoilé les clés de succès d’un bon manager en se confiant au Manager. Interview.
Pouvez-vous, au début, nous parler des qualités managériales ? Est-ce qu’elles peuvent se développer ou est-ce qu’elles s’acquièrent à travers l’expérience ?
Il est certain que les études en management, seules, ne font pas des managers. Les qualités managériales se développent, et ce, grâce à des outils spécifiques mais aussi à l’expérience, principalement celle des erreurs. Faire ses premiers pas passe essentiellement par l’apprentissage. C’est ce qu’on appelle Learning by doing. Ceci représente 70% des qualités managériales. Pour le reste, 20% des performances s’acquièrent à travers la formation continue et les 10% des compétences se basent sur les formations académiques. Pour devenir un bon manager, il ne faut pas avoir peur d’apprendre, bien au contraire, il faut avoir le courage d’avancer, de commettre des erreurs et d’en tirer des leçons. C’est aussi du dynamisme, de l’enthousiasme et une bonne communication.
Entendez-vous la communication interne ou externe ?
Je dirai les deux. Qu’il soit engagé dans un conflit, un projet ou une opinion, le manager doit communiquer un message bien précis qui sera compris tel qu’il voulait l’émettre. C’est un volet très important, ce qui justifie l’insertion obligatoire d’un module de Communication dans tous les programmes de formation désignés aux managers. En réalité, mal communiquer relève de l’incompétence inconsciente qui est en réalité la mère des sources des problèmes. A l’opposé, bien communiquer permet de gérer une équipe, de motiver, de fixer des objectifs… Bien que culturellement dur à accepter, il est important de bien comprendre la notion d’évaluation. Il ne s’agit nullement d’une condamnation ou d’un jugement mais d’une voie vers l’amélioration. Celle-ci ne peut avoir lieu sans sanction, récompense et reconnaissance. Trois attitudes qu’un bon manager doit adopter outre son aptitude à prendre les décisions difficiles.
C’est dire que la performance est multidimensionnelle : organisationnelle, économique et financière. L’important est de créer de la valeur ajoutée à travers un style de management propre. Et là, il n’y a pas un seul style de management qui fonctionne car on choisit parfois d’être dans la délégation, d’exercer dans le coaching ou également dans le laissez-faire. En ce qui me concerne, le terrain m’a appris qu’un bon manager est une combinaison de ces quatre aspects.
Il y a donc plusieurs types de management…
Effectivement, entre le situationnel et le collaboratif, le style peut changer d’une équipe à une autre et d’une entreprise à une autre. En effet, l’attitude du manager dépend d’un côté, du degré de maturité de son équipe dont les objectifs doivent être alignés avec ceux de l’entreprise. D’un autre côté, le manager se trouve, parfois, dans l’obligation de revoir son propre style et de travailler sur lui-même afin de l’adapter davantage à son équipe et au contexte de son entreprise. Ce n’est qu’en s’aventurant sur le terrain, en étant à l’écoute des besoins, en discutant et en communiquant tout le temps qu’un manager réussit à opter pour une vision claire de ses objectifs.
Plus concrètement, que faire devant un collaborateur qui conteste tout le temps ?
Ce type de personne nécessite un encadrement. Avant tout, il est important de comprendre que, parfois, le fait de contester ne reflète pas un trait de caractère mais tout simplement que la personne en question n’a pas compris l’enjeu et souffre d’un problème de communication. Ainsi, il est essentiel que le manager l’encadre pour qu’elle puisse surmonter ces difficultés.
Quels sont, d’après vous dans votre pratique du terrain, les erreurs qui sont généralement commises par les managers ?
Les erreurs les plus courantes sont le fait de copier-coller un style de management particulier ou le fait de ne pas évoluer dans son style de management par rapport au contexte. Il est important de savoir qu’une crise ne se gère pas comme une croissance et encore moins comme une stabilité.
Un manager peut également se trouver dans une situation de confusion : il ignore son ignorance ! Il a ainsi besoin de changer par rapport au terrain, au marché, à l’arrivée de nouvelles cultures de travail… afin d’éviter les grandes erreurs du management.
Que cherchent généralement les managers qui recourent à vos services ?
Souvent, les managers sollicitent nos services quand ils ressentent que leur modèle bloque et qu’ils n’arrivent pas à avancer. Aussi, le besoin s’exprime dans des phases où ils décident d’introduire des changements dans leur mode de travail. Dans ce cas, on les aide soit à travers du coaching ou de l’accompagnement à s’adapter tant qu’ils ont les ressources nécessaires pour le faire. Par exemple, passer du statut d’un gérant à un dirigeant nécessite également un accompagnement personnalisé.
Dans certains cas, une entreprise peut venir solliciter nos services afin de faire évoluer un manager ou qu’il développe son potentiel de leadership ou de gestion d’une équipe plus grande…
Dans la majorité des TPE en Tunisie, le manager intervient également dans l’opérationnel ce qui justifie ce basculement vers le fait d’être dirigeant. D’après vous, est-ce que cela pose problème ?
Ce chevauchement pose souvent problème. C’est un vrai challenge pour les fondateurs qui vivent une croissance. C’est une raison pour laquelle les entreprises en Tunisie ne veulent pas grandir. Leurs managers veulent désormais rester dans l’opérationnel. Lorsqu’à un moment donné, ils se rendent compte qu’ils sont, eux-mêmes, les limites de leurs entreprises, ils décident de changer. Et ce en offrant l’opportunité de croissance à leur firme et de sortir de l’opérationnel vers le stratégique. Ce « Self awarness » est réellement douloureux et nécessite souvent un vrai accompagnement.
Il n’y a pas que le développement et le stratégique. Il y a aussi le time-management. Qu’en dites-vous ?
Tout à fait d’accord puisque la gestion du temps nécessite, en effet, la création d’un process qui permet à l’entreprise de fonctionner toute seule. Une entreprise performante est désormais celle qui est forte par elle-même et non pas par un manager ou des responsables. Il est ainsi important d’exclure toute tâche causant une perte du temps. Des séances de monitoring permettront, en effet, d’aider à gérer les imprévus, à instaurer la discipline et l’organisation structurelle, à apprendre à déléguer et à être efficient.
D’un autre côté, on accompagne le manager à comprendre son rôle et ses périmètres, à choisir ses batailles, à jouer sur ses forces et à exécuter ses tâches d’une manière excellente. Ces apprentissages lui permettront désormais de bien gérer son temps afin de se développer davantage et de travailler sur les angles morts.
D’après vous, quelles sont les motivations d’un manager ?
Les managers sont souvent fiers de leurs réalisations notamment quand leurs collaborateurs deviennent, à leur tour, des managers. Une fierté qui prouve leur réussite. Ainsi, la plus grande des reconnaissances professionnelles pour un manager-leader, c’est l’évolution des membres de son équipe d’où le transfert des compétences.
Est-ce que vous avez la possibilité d’évaluer ces avancements ?
Absolument. Nous assurons des suivis en cas d’accompagnement ou de coaching en proposant des projets en lien avec la formation ou en faisant des tests d’évaluation. Nous revenons constamment pour évaluer la progression et les indicateurs de performance, mesurer l’avancement et faire le bilan final.
Et est-ce que vous pouvez nous évoquer un manager qui a réussi à évoluer grâce à vos services ?
On a eu l’opportunité de travailler avec une dirigeante d’entreprise qui commençait à croître et qui avait besoin d’un accompagnement pour faire face à un marché en ébullition par rapport au service qu’elle propose. En réalité, elle a pu obtenir plusieurs projets et a fait un recrutement en masse. Elle s’est alors trouvée à mal gérer cette croissance.
Il s’agissait d’un double challenge : celui de la femme dirigeante qui doit concilier vie privée et vie professionnelle et celui d’un business en croissance. Elle a réussi par la suite à consolider sa visibilité en tant que femme pourvoyeur de services dans un monde où les règles sont faites par des hommes, non sans négliger ses besoins en accompagnement par rapport au branding, à la gestion de ses équipes, à la mise en place des routines et des process de réunion et de délégation. C’est ainsi qu’elle a réussi à changer son entreprise et à gagner en autorité.
Au niveau de la découverte de ces angles morts, quelle est la tâche la plus difficile en termes de coaching professionnel ?
La difficulté réside dans la volonté de changer. Ils cherchent à réussir leur changement parce que c’est la phase la plus délicate dans leur parcours. Généralement, ils reconnaissent ce besoin mais avouent trouver des difficultés à le réaliser. Ainsi, s’imposent des séances de coaching basées sur les motivations de changer afin d’aider le manager à faire le deuil de l’ancienne personne. Au début, il connaîtra, certes, une zone d’inconfort temporaire mais rapidement, il réalisera le changement via les résultats. Il suffit de consolider les petites victoires jusqu’à ce qu’elles deviennent des habitudes. C’est ainsi qu’un manager réussira sa phase de changement et créer son propre modèle.
A la fin, avez-vous un message à faire passer ?
Il est nécessaire de se développer tout le temps. Un manager est un challenge constant. Avec ses forces et ses faiblesses, il doit réussir à créer son propre style en menant son équipe à réaliser des objectifs non seulement le plus efficacement possible mais également le plus agréablement possible.
Manager, c’est un art !