La croissance est aujourd’hui en panne faute d’investissements qui sont en nette diminution durant ces dernières années à cause du climat des affaires. Ainsi, on ne peut pas parler d’exportation sans investissements et le change en fait partie”, a déclaré Riadh Azaïez, président de la Chambre de commerce tuniso-belgo-luxembourgeoise. Faible croissance économique, déficit courant, uniquement 76 jours d’importation… autant d’éléments qui font qu’on ne peut concevoir une convertibilité totale du dinar en Tunisie, a lancé d’emblée le gouverneur de la Banque centrale, Marouane Abassi. Badereddine Ouali fondateur de Vermeg abonde dans le même sens : “L’économie ne peut pas avoir une devise qu’elle ne peut pas défendre”, précisant que la Banque centrale est faussement incriminée pour une réglementation de change moyenâgeuse dont elle n’est pas responsable. Toutefois, elle s’attelle à l’appliquer avec beaucoup de zèle.
« Seule l’amnistie de change est capable d’offrir une certaine flexibilité quant à l’ouverture des comptes en devises tout en respectant la loi », rétorque Marouane Abassi. Et d’ajouter : « D’ailleurs, cette loi sur l’amnistie de change aurait dû être votée depuis longtemps ». Il précise qu’elle permettra également au pays d’avoir des réserves en devises décentes qui contribueront à la stabilisation du taux de change et ainsi à la création des investissements ». Instaurer la confiance et voter la loi sur l’amnistie de change seraient, selon lui, les meilleures décisions à prendre et dès maintenant. « C’est un excellent moment pour résoudre beaucoup de problèmes en même temps notamment avec la stabilité du dinar », a souligné Abassi. Issa Hidoussi, PDG Best Lease conforte cette idée de réaliser l’amnistie au plus vite.
Moez Laabidi, professeur en sciences économiques, s’inscrit en contradiction avec le choix du timing, affirmant que les expériences internationales montrent que pour plus d’efficacité, il faut que l’amnistie s’effectue le lendemain des élections et non pas la veille. Il ajoute que celle-ci va générer un effet de stock qui doit être complémenté par un effet de flux généré par l’autorisation des comptes en devises. Il explique que pour que ces derniers drainent les devises des Tunisiens à l’étranger, il faut qu’ils soient rémunérés à deux points de marge au-dessus du Libor ou de l’ Euribor. Par ailleurs, Issa Hidoussi s’est interrogé sur utilité de l’amnistie si elle n’est pas accompagnée d’une amnistie pénale et d’une amnistie fiscale. Selon M. Hidoussi, « C’est à trois dimensions qu’il faut approcher ce problème en mettant en place la confiance ».
Fiducia sinon rien
Sur la même longueur d’ondes, le président du Conseil des Chambres mixtes, Naceur Hidoussi, a appelé à trouver des solutions innovantes et originales qui puissent offrir à la Tunisie des solutions réelles, et ceci, dans un cadre de confiance. « Si cette confiance n’existe plus, on ne pourra rien démarrer dans le pays », a-t-il souligné. De son côté, Habib Karaouli, PDG de CAP Bank a insisté sur le fait que cette confiance s’instaure lorsque les gouvernants font preuve d’exemplarité.
De son côté, Moez Laabidi, a estimé, dans le même cadre, que la pénalité de 5% infligée aux personnes détentrices de devises non déclarées est réellement énorme. « Pourquoi ne pas imposer une pénalité de 0% pour un défaut de déclaration et maintenir la pénalité de 5% pour toute opération sans justifications », a-t-il proposé. Une telle décision permettra, selon lui, de « ne pas mettre tout le monde dans le même sac ».
La Rupture
Cette situation qui s’avère alarmante nécessite certes des solutions rapides, radicales et originales. Au regard des problèmes que connaît la Tunisie seules des solutions et des réformes de rupture doivent être prescrites. A cet effet, il signifie qu’il faut au préalable s’assurer que le corps qui sera en charge de l’exécution ait les compétences nécessaires. Issa Hidoussi indique que ceci peut commencer par le retrait de tout l’argent qui circule sur le marché pour le réintroduire dans le circuit formel, permettre à tous les Tunisiens d’ouvrir des comptes en devises et de trouver des solutions internes. Il croit fortement en l’apport de l’amnistie de change qui, selon lui, permettra de mettre tout cet argent dans l’intérêt du pays.
Justifiant la non-adoption de la loi d’amnistie par l’ARP jusqu’à nos jours, le vice-président de la commission des finances à l’ARP, Slim Besbès a souligné que « l’amnistie est un contrat entre le gouverneur et le gouverné qui ne peut se concrétiser sans la confiance », rappelant que « les termes de cette loi ont été intégrés dans la loi de finances 2016 mais ont été écartés car on a considéré qu’ils ne relèvent pas de la loi de finances. Et d’ajouter que « le projet de loi relatif à cette amnistie a été proposé par le gouvernement deux ans après avoir été séparé de la loi de finances de 2017 et n’a pas encore eu réponse favorable ».
Toutefois, Badreddine Ouali a considéré que « la question de confiance n’est pas le monopole des députés, ni du gouvernement, ni de la Banque centrale ». Selon lui, il suffit, pour que le pays sorte de cette situation, d’exporter plus afin d’améliorer la situation du dinar, d’assouplir le process par la Banque centrale en interprétant la législation et surtout de ne pas mélanger ceux qui font défaut de déclaration avec les hors-la-loi. Et, avec un air optimiste, il a souligné que « la Tunisie est un pays fabuleux qui regorge de richesses et d’acquis et qui a beaucoup de challenges à relever ». Tout en appelant à profiter de ce tempo très favorable à une renaissance économique du pays.
En dépit des divergences, le consensus autour de la modernisation de la réglementation de change était catégorique. Ils se sont accordés à ce qu’il faille inciter les députés de l’ARP à accélérer le pas, examiner et voter le projet de loi relatif à la régularisation des infractions de change de manière à respecter la dignité des personnes.