Khalil Laâbidi, président de l’Instance Tunisienne de l’Investissement
À la veille de l’une des plus prestigieuses manifestations économiques, à savoir le Tunisia Investment Forum, le président de l’Instance tunisienne de l’investissement et directeur général de l’Agence de promotion de l’investissement extérieur (FIPA Tunisia), Khalil Laâbidi, nous livre les détails d’un événement placé cette année sous le signe de la particularité et de l’exception. Il nous livrera également sa vision sur l’investissement en Tunisie ainsi que les perspectives d’avenir en la matière. Interview.
Pourriez-vous nous parler de cette nouvelle édition du Forum, est-elle la suite de ce qui a été entrepris à Tunisia 2020 ?
En effet, il s’agit de la 18ème édition de Tunisia Investment Forum (TIF) qui est la plus importante manifestation économique en Tunisie. La nouveauté, cette année, est que cet événement n’est plus annuel mais plutôt biennal. S’ajoute à cela la particularité que la tenue de l’événement a lieu précisément une année après la Conférence internationale sur l’investissement Tunisia 2020.
À cet effet, le premier panel sera centré justement sur le thème : « Tunisia 2020 : une perspective prometteuse », au cours duquel nous dresserons le bilan de cette manifestation et il s’agira d’ailleurs de l’un des moments les plus forts de la 18ème édition du TIF. Fait d’évidence, nous menons depuis des années des études avec la Banque Mondiale, la Banque Européenne et l’OCDE sur le sujet suivant : « La Tunisie dans les chaînes de valeur mondiales », une thématique qui s’inscrit dans le Plan de développement 2016–2020.
Nous aurons donc un rendu sur les études qui ont été faites à ce titre ainsi que sur la place qu’occupe la Tunisie dans les chaînes de valeur mondiales. En outre, et en ce qui concerne le troisième panel, il représente de même une particularité concernant le fait que pour la première fois dans ce Forum, nous aurons un regard sur l’Afrique.
À ce titre, nous parlerons de la Tunisie en tant que hub régional au niveau de l’Afrique. Cette année le TIF sera placé sous le signe de l’Afrique, ce qui est parfaitement en phase avec les orientations aussi bien politiques, diplomatiques qu’économiques.
Comment expliquez-vous cette configuration ?
Le pays est en train de mettre en place des structures à l’échelle africaine à l’instar de l’ouverture de nouvelles ambassades, de lignes aériennes, etc. Tout cela démontre que la Tunisie œuvre pour l’amélioration de son positionnement en Afrique, une place qu’elle n’a d’ailleurs jamais perdue.
Le partenariat avec les pays africains subsahariens est d’autant plus confirmé par l’adhésion imminente de la Tunisie au Marché Commun de l’Afrique orientale et australe, COMESA.
Qu’en est-il des autres panels ?
Je peux vous dire qu’ils déclinent également des particularités, tel le quatrième panel qui s’intéresse de près, en l’occurrence, au développement régional et à la responsabilité sociétale. Il est conçu à l’adresse des grands groupes investissant dans certaines régions.
Il s’agit de répondre à la question : comment aider les régions riches en ressources naturelles à créer leur propre richesse en dehors de celle pétrolière non renouvelable et qui disparaîtra un jour ?
Il faudra donc donner une perspective à ces régions afin qu’elles améliorent leurs conditions et qu’elles changent leur schéma d’investissement en s’orientant vers des schémas de développement plus productifs et plus inclusifs en dehors de ceux basés sur les stocks épuisables.
De ce fait, les panels sont, somme toute, inspirés du plan quinquennal de développement ?
Précisément ! Cette édition du TIF correspond parfaitement aux objectifs du plan quinquennal que nous avons mis en place et qui constitue le fruit d’une année de réflexion et de travail à propos de toutes ces thématiques.
Pour revenir sur la question de l’amélioration de la position de la Tunisie en tant que hub régional en Afrique, avez-vous des idées précises sur des secteurs en particulier à ce sujet ?
En fait, la réponse à votre question oscille entre le oui et le non. Je m’explique : oui car nous visons les secteurs dans lesquels la Tunisie a un avantage comparatif : il s’agit principalement des secteurs traditionnels de l’industrie mécanique, du textile, de l’industrie électrique etc.
Mais, nous visons également des secteurs nouveaux sur lesquels la Tunisie se positionne plutôt bien. J’entends par là le secteur de la santé, celui de l’enseignement supérieur, ainsi que le secteur des Technologies de l’information et de la communication et le secteur de l’ingénierie et des services liés à l’industrie.
À ce titre, escomptez-vous la présence de délégations étrangères à ce forum ?
Bien sûr ! Notre Forum, organisé par la FIPA, est international par excellence. Notre objectif à travers la 18ème édition est d’attirer le maximum possible d’investisseurs étrangers.
Quels sont les profils représentés dans les délégations étrangères ?
Les profils sont différents. D’abord, il y a les chefs d’entreprise et les grands groupes internationaux et PME. Ensuite, il y a des décideurs politiques de certains pays. Puis, il y a les bailleurs de fonds et enfin les organisations internationales. Par ailleurs, nous estimons que cette édition sera la pierre angulaire de la mise en place d’une coopération triangulaire Europe-Tunisie-Afrique. Nous avons, en effet, des atouts que l’Europe n’a pas toujours tels que notre bonne relation avec l’Afrique, ainsi que la bonne connaissance de par nos cadres et nos compétences du continent.
Pouvez-vous établir une évaluation des IDE au titre de 2017 ?
Je peux vous dire que les indicateurs commencent à virer au vert. Nous avons enregistré, jusqu’à fin août 2017, une progression des IDE de l’ordre de 13,6% environ. La progression est là et tout porte donc à croire que les signes de relance économique sont concrets. S’ajoute à cela, la stabilité sécuritaire ainsi que la série de réformes mises en place, telle celle de la nouvelle loi sur l’investissement qui certes n’a pas encore donné tous ses fruits mais qui représente tout de même une bouffée d’air frais. Il y a également la loi sur les PPP qui sera mise en application en 2018 avec de grands projets ainsi que la loi sur les énergies renouvelables.
Au-delà des chiffres, pouvons-nous espérer une amélioration de la nature de ces IDE en matière de création de valeur?
C’est précisément là un de nos objectifs. Car aujourd’hui ce qui frappe le plus en matière de chômage c’est que les intéressés sont des diplômés du supérieur. C’est pourquoi, nous avons changé de stratégie et nous visons à attirer des investissements à haute valeur ajoutée. A cet effet, nous avons commencé à travailler sur des projets dans les TIC en matière de recherche et développement, des projets d’élaboration de logiciels, des projets de dessins industriels, etc. Aujourd’hui, nous sommes 30% moins cher par rapport à notre principal concurrent, avec en plus une main-d’œuvre qualifiée.
Lorsque vous rencontrez des investisseurs étrangers, quelle est la grande difficulté à surmonter ?
La plus grande difficulté c’est l’image et la perception de la Tunisie. Cela dit, ça se passe bien avec les investisseurs déjà établis dans le pays. D’ailleurs, 80% de l’amélioration des investissements sont dus à une extension des projets déjà mis en place par les investisseurs présents. Attirer de nouveaux investisseurs est toutefois un peu plus difficile étant donné l’image qu’ils ont du pays. Une image qui se façonne très rapidement mais qui met beaucoup de temps à s’effacer. D’autant plus que nous faisons peu de choses pour remédier à cette image. Pis, nous continuons à la faire circuler. A ce titre, je lance un appel aux médias de la place qui cherchent à faire le buzz et améliorer leur audience au détriment de la réputation du pays.
En ce qui concerne la FIPA, y a-t-il des actions concertées avec l’ONTT ?
Oui mais il n’y a pas que l’ONTT. Il y a également le CEPEX et les ambassades. Je peux vous dire qu’il y aura une mission qui réunira ces quatre composantes et qui sera annoncée très prochainement.
En guise de mot de la fin, quel est votre message à l’adresse des investisseurs étrangers?
D’abord, je leur dis venez et investissez en Tunisie, jugez-en par vous-mêmes du pays et de son potentiel. La Tunisie offre une main-d’œuvre de qualité, de bonnes conditions en matière de compétitivité et enfin la dimension africaine.