Bilel Sahnoun, DG de la Bourse de Tunis
Par Sahar Mechri Kharrat
Invité par l’IHET pour animer une conférence sur le thème “Le marché financier : des alternatives pour alléger le budget de l’Etat”, Bilel Sahnoun, Directeur Général de la Bourse, en fin connaisseur du marché et de la situation économique propose des recommandations pour le financement du déficit budgétaire et défend avec forte conviction la privatisation devant un parterre d’enseignants et d’étudiants.
Partant du constat d’un déficit budgétaire qui devient quasiment insoutenable ayant atteint 3684 MD en 2015, l’Etat se doit de trouver les moyens de le financer soit sur le marché national ou international. Il a rappelé que l’Etat a, d’une part, renforcé ses sorties sur le marché international en 2016 en levant 3.8 milliards de dinars alors qu’il avait prévu 1.8 milliard de dinars.
D’autre part, il a financé son déficit par le biais des bons du Trésor. A ce titre, le DG de la Bourse craint que cela ne provoque un effet d’éviction au détriment de l’institution qui compromette ainsi le financement de l’économie. Afin d’attirer les souscripteurs — banques et compagnies d’assurance — le gouvernement propose des taux alléchants de l’ordre de 7,8%. Après quoi, les banques se refinancent auprès de la Banque centrale au taux de 4.8%.
Ainsi, de par l’effet des volumes et de l’importance de la marge, ces dernières se voient gonfler leurs résultats au détriment du financement de l’entreprise. Corollaire de cette situation, une brusque remontée de la courbe d’endettement, qui atteint les 62.5% du PIB dont les deux tiers sont libellées en monnaie étrangère.
Pour parer à cette situation, Bilel Sahoun propose que les collectivités locales aient plus d’autonomie dans la décision de financement des projets. Aujourd’hui partout dans le monde les collectivités lèvent de l’argent, avance-t-il.
Néanmoins, ceci suppose que les souscripteurs aient de la visibilité et de la transparence quant à l’affectation budgétaire. Pour le DG de la Bourse, la Tunisie n’a pas une culture pour lever un emprunt de 1 milliard de dollars en one shot, il vaut mieux lever de plus faibles montants de façon progressive et fréquente pour ne pas assécher l’économie de liquidité.
Et d’ajouter: “Les investisseurs peuvent aussi planifier et se préparer. En clair, Bilel Sahnoun incline à penser qu’il faut encourager le financement des projets à travers des partenariats publics-privés. A ce titre, il s’interroge sur les textes d’application de la loi de finances 2015, mais également de ceux relatifs à la loi sur les Sukuk.
Il signifie que c’est une forme de financement par fonds propres qui n’est pas intégrée dans le calcul de la dette. Dans le budget de 2017, il est prévu d’émettre 200 millions de dollors en Sukuk. Il préconise de nous positionner sur ce marché en spécialistes de la gestion des Sukuk. Il va même jusqu’à émettre le voeux de les voir cotés et échangés sur le marché boursier en toute transparence. “Ceci sera une première en Afrique”, avance-t-il.
Le point focal de l’intervention de Bilel Sahnoun a été l’absence de rentabilité du patrimoine de l’Etat. “Nous avons un patrimoine faramineux qui appartient à l’Etat et qui, paradoxalement, devient un fardeau”, souligne-t-il. A cet effet, il préconise de le céder, tout autant que les entreprises confisquées, aux investisseurs nationaux et étrangers.
“Ces entreprises sont en train de perdre de la valeur”, précise-t-il, ajoutant qu’une entreprise publique ne peut jamais concurrencer une entreprise privée, en l’occurrence le management d’une banque publique ne permet pas de faire ce que fait une banque privée. Et de citer aussi : “Aujourd’hui, on n’arrive pas à valoriser le gisement immobilier de l’Etat. Celui-ci détient des propriétés immobilières dans toutes les villes”.
C’est dans l’ordre naturel des choses. Bilel Sahnoun a fait un véritable plaidoyer de la privatisation, à même d’améliorer le ratio capital/PIB. A travers une rétrospective des 88 privatisations antérieures entre 2003 et 2005, il a notifié que les entreprises ont connu une augmentation des montants investis, un accroissement des taux d’utilisation des capacités de production de 18% et une augmentation du chiffre d’affaires et des effectifs. Il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui ce processus est confronté à la résistance des partenaires sociaux, la crainte de l’Etat de perdre le contrôle de certains secteurs et à la faiblesse de l’épargne nationale tombée à près de 12%.
La privatisation est un chantier lourd qui nécessite d’abord une vraie volonté politique qui vise à moderniser l’entreprise publique. Ensuite, il recommande d’établir un mix produits pour ne pas mettre sur les marchés uniquement les entreprises en difficulté, sinon le processus sera étouffé dans l’oeuf.
Enfin, il souligne l’importance d’engager une campagne de communication agressive et conçue d’un commun accord avec les partenaires sociaux. Aujourd’hui, plusieurs secteurs suscitent l’intérêt des candidats, à savoir l’automobile, les banques, les assurances, la distribution de carburant, la presse et les médias.