Interview avec Narjes Merimi, directrice du CDCP
Réussir à incarner le e-learning dans les institutions tunisiennes nécessite un grand labeur et une haute persévérance. C’est en étant armée par son amour pour son travail et son souci de réaliser ses objectifs que Narjes Merimi a choisi de tracer un parcours professionnel inédit.
Article paru dans le numéro 225 du magazine Le Manager.
Organiser un Forum d’e-learning, qui arrive cette année à sa 5ème édition, et chapeauter un centre de formation et de développement des compétences professionnelles ne lui sont que les fruits d’un véritable parcours laborieux.
Sur sa vie professionnelle, les difficultés auxquelles fait face son entreprise et la 5ème édition du Forum e-learning, Narjess Merimi a choisi de répondre, aimablement, aux questions du Manager.
Comment vous est venue l’idée du e-learning ?
L’idée est venue spontanément. En effet, quand je faisais, en France, mon Master en Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Enseignement (TICE), j’ai découvert l’e-learning et j’étais sûre qu’il va un jour arriver en Tunisie.
De retour en Tunisie en 2006, j’ai décidé de fonder un centre qui est spécialisé dans l’e-learning. Mais, hélas, à cette époque-là, ce n’était pas une affaire facile puisque le sujet était encore inédit. Alors, j’ai décidé d’ouvrir un centre standard de formation mais par la suite, je suis revenue vers mon objectif principal l’ e-learning. Ainsi, en 2006, je me suis lancée dans la vie entrepreneuriale et j’ai fondé CDCP (Centre pour le Développement des Compétences Professionnelles).
Deux ans après, j’ai instauré le Forum e-learning Tunisie, et ce, avec l’encouragement d’une amie suisse qui à entamé une expérience pareille à Champerret, en France, depuis déjà l’an 2000. Et grâce à son soutien, j’ai pu monter mon propre projet profitant d’un marché qui était encore vierge en Tunisie.
Pensez-vous que, dans la conjoncture actuelle, l’e-learning peut aider dans l’atténuation du chômage et la reconversion des jeunes ?
Dans ce contexte, il y a eu des benchmarks à l’échelle internationale. Les constats montraient que la Tunisie pourra largement profiter de ce mode d’apprentissage notamment qu’il représente une opportunité à saisir en temps de crise.
https://lemanager.tn/fet2016-a90b613f7c04
En effet, au lieu d’envoyer des collaborateurs pour des formations coûteuses en hébergement et en déplacements… l’e-learning offre l’opportunité aux entreprises de former leurs employés aux moindres coûts.
Malheureusement nous avons encore la vieille école qui ne croit pas en ce mode d’apprentissage et n’y voit aucun intérêt.
Dans quelle mesure l’e-learning a pénétré la Tunisie et les entreprises tunisiennes ?
Au fait, nous faisons partie des premiers pays qui ont utilisé l’e-learning notamment avec la Poste Tunisienne et l’Université Virtuelle. Le problème c’est que le développement des modules et la façon de préparer les contenus pédagogiques n’ont pas évolué. Il n’y a eu ni mise à jour, ni avancement ni innovation dans le contenu.
C’est à cause de cette situation stagnante que nous sommes, actuellement, au bas de l’échelle par rapport à d’autres pays qui ont récemment découvert l’e-learning. De nos jours, nous sommes très loin des anciennes méthodes basées sur les documents en Power Point ou en PDF qui ont laissé leur place au « Serious Games », au « Immersive Learning » avec la 3D, au « Speed Learning », à la réalité virtuelle… Nous devons sérieusement travailler pour avancer et être au diapason de la tendance actuelle.
Peut-on évoquer des Success Story qui ont opté pour ce mode de travail ?
Dans le secteur privé, je peux citer Tunisie Télécom qui a fait sa propre plateforme mais qui a stagné. Il y a aussi Ooredoo qui a enfin compris qu’il est temps de digitaliser l’information. On trouve aussi la Poste Tunisienne, l’Université Virtuelle, que j’ai déjà cité et également la Douane Tunisienne et la Bourse de Tunis qui est, au fait, notre client.
En effet, l’e-learning commence à gagner du terrain en Tunisie. Je remarque que de plus en plus de jeunes ont compris l’utilité de l’e-learning et qui veulent faire leur Projet de Fin d’Etudes sur ce mode d’apprentissage. Dans le même contexte, plusieurs développeurs et codeurs sont en train de créer des plateformes et des contenus pédagogiques.
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Est-ce que vous pensez que les jeunes start-up tunisiennes peuvent ramener quelque chose en matière de plateforme ?
La dernière édition du Forum e-learning a permis de découvrir plusieurs talents. Beaucoup de jeunes viennent nous demander des conseils et des consignes. C’est vrai qu’au début, ils vont rencontrer des difficultés parce qu’essentiellement, ils ne connaissent pas le marché tunisien. Le problème majeur demeure dans l’incapacité de décrocher des marchés et avoir la confiance d’un client. C’est vrai que la majorité se dirige vers l’enseignement et l’éducation parce que c’est l’issue la plus facile mais ce n’est pas facile de convaincre les gens des nouveaux modes d’apprentissage. Bref, si le décideur n’est pas convaincu de l’utilité de l’e-learning, il ne vous suivra jamais. Il faut qu’il sache que si la plateforme est installée et mise en marche, le travail ne demandera que de la mise à jour.
Quel est votre sentiment par rapport à la 5ème édition du Forum ?
Je suis contente et à la fois très fière. D’une part, je suis fière que je sois arrivée à la cinquième édition du Forum. D’ autre part, je suis fière d’avoir réussi à booster plusieurs personnes sur la Tunisie et également réussi à ramener des gens de l’étranger. Avec la crise par laquelle passe le pays, convaincre des gens à venir en Tunisie et y présenter leurs produits, est en lui-même un succès.
Les feedbacks que je reçois me témoignent la réussite de cette édition tout en espérant que la prochaine édition sera meilleure.
Quels sont vos projets futurs ?
Notre prochain objectif est de s’ouvrir sur les régions intérieures. Après le grand Tunis, on va très prochainement lancer un autre projet, dans les régions, sur le développement des plateformes et nous espérons y réussir.